“Dictionnaire amoureux de l’inutile”, de François et Valentin Morel
« À quoi bon ? », « À quoi ça sert ? », « Mais pourquoi donc ? » Douter de l’utilité de quelque chose, c’est souvent contester son bien-fondé, voire refuser tout bonnement son droit à l’existence. Heureusement, il y a aussi des poètes et des esprits décalés pour se pencher avec tendresse sur ce qui est improductif et ne rapporte rien ! François Morel et son fils Valentin sont de ceux-là. Ils viennent de signer à quatre mains un désopilant Dictionnaire amoureux de l’inutile (Plon, 544 p., 25 €). De l’« Académie française » à « Zou » (en passant par les « Condoléances », les « Papiers d’agrumes » et le « Facteur Cheval »), ils nous proposent un inventaire à la Prévert de tout ce qui ne présente aucune utilité et qui pourrait sembler ne pas avoir sa raison d’être dans un monde qui valorise tant l’efficacité et la rentabilité. Mais ce qui n’a pas d’intérêt peut-il quand même avoir un sens ?
Le Dictionnaire amoureux de l’inutile, de François et Valentin Morel (Plon, 544 p., 25 €) est disponible ici.
Du plus ou moins inutile
Commençons par démêler le profondément inutile de ce qui n’en a que l’apparence, et distinguer plusieurs degrés dans l’inutilité. Car tout ne se vaut pas, et l’un des mérites de ce Dictionnaire de l’inutile, et non le moindre, est celui de nous aider à démêler l’irréductiblement inutile de ce qui est susceptible de servir quand même à quelque chose, fût-ce de manière insoupçonnée ou détournée de la vocation première de l’objet. Ainsi apprendra-t-on par exemple que le « Mamelon masculin » a déjà servi à allaiter des nouveaux-nés, qu’on peut considérer les « Consignes de sécurité » dans un avion comme une danse de bienvenue de la part du personnel navigant et qu’on peut éventuellement faire usage de son « Épée d’académicien » comme d’une pique pour griller les saucisses au barbecue.
La « beauté du geste » ou le charme de l’inutile
Il n’est donc pas facile de trouver de l’inutile radical et absolu, auquel il serait impossible de trouver quelque usage que ce soit – à l’exception peut-être de « L’eau en poudre ». Dans la plupart des cas en effet, comme dans celui des « Fossettes » ou d’un « Bouquet de fleurs », l’inutile plaît dans son inutilité elle-même. Au minimum, il fait sourire, interpelle ou suscite un enchantement du fait même qu’il n’a aucun intérêt et qu’il est gratuit, c’est-à-dire qu’il échappe à tout calcul platement intéressé. C’est tout ce qui constitue le charme incomparable de cet inutile qui justifie pleinement que le Dictionnaire dont il fait l’objet soit bien un Dictionnaire amoureux : il y a une forme de grâce spécifique aux vains combats de « Don Quichotte » ou au périple de Jean-Yves Bart, qui s’est rendu dans les seize villes nommées « Strasbourg » à travers le monde pour rien d’autre que la seule « beauté du geste ».
L’inutile et la condition humaine
C’est le paradoxe : dire d’une chose qu’elle est inutile ne la rend pas vaine. Comme l’explique par ailleurs Nuccio Ordine dans son L’Utilité de l’inutile (Les Belles Lettres, 2015), l’inutile peut même rendre notre vie plus riche en élargissant notre horizon habituellement rivé à ce qui est strictement efficace, et donc en élevant notre esprit. On pourrait également dire que le plaisir presque enfantin pris à l’inutile revêt une dimension existentielle qui renvoie à notre condition humaine. C’est ce que laissent entendre les deux auteurs dans l’entrée qu’il consacrent, par une astucieuse mise en abîme, à leur propre abécédaire : « Le Dictionnaire amoureux de l’inutile, s’adress[e] à tous et à chacun, concern[e] n’importe qui s’étant un jour amusé à faire voler un avion en papier ou à tenter de faire des ricochets au-dessus d’une rivière. » À cet égard, un tel Dictionnaire est tout sauf dispensable et vain. Après tout, comme l’avait bien compris Pierre Desproges, « le superflu n’est inutile qu’à ceux dont le nécessaire est suffisant ».
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