Intraduisible

Delight

Nicolas Tenaillon publié le 19 août 2020 1 min

Langue d’origine : anglais

Signifiant à l’origine « délice », ce mot prend un sens original au XVIIIe siècle, âge d’or de l’esthétique. Pour le philosophe irlandais Edmund Burke, premier auteur à distinguer le beau et le sublime, delight désigne « un grand calme teinté de crainte ». C’est « la plus forte émotion que l’esprit est capable de ressentir face au sublime ». Alors que le beau suscite en nous un sentiment de douceur (smoothness), ce qui est ici vécu, par exemple lors du spectacle d’une exécution capitale, est une « terreur délicieuse » (delightful horror). C’est que tout en éprouvant dans son corps une « tension anormale des nerfs », le spectateur du sublime n’est jamais en danger : il est donc comme attiré par la peur sans craindre pour sa vie. Sentiment troublant et captif, le delight empêche l’esprit de raisonner, parce qu’il le laisse dans un état d’étonnement (astonishment). Cette approche physiologique du sublime sera cependant critiquée. Tout en admirant Burke, Kant lui reproche son sensualisme qui l’empêche de voir que le sublime peut élever l’âme et la moraliser. Reste qu’en esthétique, le delight permet d’expliquer l’émergence d’un goût pour les désirs les plus sombres. Sans cette expérience affective, on ne pourrait comprendre le succès du roman gothique dans l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle ou, plus près de nous, d’une série comme Penny Dreadful.

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