Exposition William Hogarth au Louvre

Tranches de vies

Serge Audier publié le 4 min

Jusqu’au 8 janvier 2007, le musée du Louvre expose le petit monde satirique et moraliste du fondateur de la peinture moderne anglaise. Admirée par Kant et Burke, son œuvre participe à un mouvement de dévoilement de la vie privée.

William Hogarth (1697-1764) est moins connu, en France, que ses contemporains Chardin ou Boucher : la passionnante exposition que lui consacre le musée du Louvre fera découvrir cet artiste du siècle des Lumières qui s’est imposé comme le fondateur de la peinture moderne anglaise, contre le culte des « italiens » et de l’école française. Son œuvre a suscité, grâce à la diffusion de ses estampes, l’intérêt de grands penseurs : Diderot, Burke et même Kant. Cet intérêt tient aussi à son apport, aujourd’hui sous-estimé, comme théoricien du beau.

La familiarité limitée de Kant avec l’art de son temps rend d’autant plus remarquable son allusion à Hogarth dans ses Leçons d’éthique de 1775-1780, à propos de nos « devoirs envers les animaux ». Selon Kant, en observant ces devoirs pour tout ce qui, en l’animal, présente une analogie avec l’homme, nous observons aussi, indirectement, nos devoirs envers l’humanité. Aussi peut-on juger du cœur d’un homme à sa façon de traiter les animaux : « Hogarth a bien illustré dans ses gravures comment se développe la cruauté. Il la montre d’abord à l’œuvre chez les enfants qui font subir des mauvais traitements aux animaux, en leur pinçant la queue par exemple ; puis il la dépeint dans l’image de l’homme qui écrase un enfant avec son char, pour finalement la montrer sous sa forme la plus terrible, dans le meurtre. Cela devrait servir de leçon aux enfants. » Cette allusion à la série d’estampes Les Quatres Étapes de la cruauté (1751) éclaire l’intention de Hogarth de délivrer une leçon morale à travers une série narrative. Tout comme il avait fustigé, dans la série Le Zèle et la Paresse, les comportements paresseux, il entend ici, selon ses mots, empêcher « ce traitement cruel de pauvres animaux » dans les rues de Londres, en narrant l’histoire d’un personnage dont la carrière de criminel commence par ces cruautés enfantines, continue par le meurtre, et finit par la sanction d’une pendaison, assortie d’une macabre dissection où un chien lui mange le cœur !

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le beau
​Peut-on détester une œuvre comme « La Joconde » ? Les goûts et les couleurs, est-ce que ça se discute ? À travers cet Expresso, partez à la découverte du beau et du jugement du goût avec Kant.

Sur le même sujet
Article
2 min
Cédric Enjalbert

Le nouveau projet de loi sur la fin de vie voté ce mardi 17 mars 2015 à l'Assemblée ravive un débat éthique difficile à trancher.

La fin de vie rediscutée à l'Assemblée

Article
2 min
Martin Duru

To be or not to be… married. Le dilemme d’une vie. Kierkegaard l’a éprouvé avec crainte et tremblement, et il a tranché. Il ne s’est jamais marié.




Bac philo
3 min

Le sujet exige de se demander si l'on peut identifier une vie heureuse à une vie de plaisirs. Il faut être très attentif à la formulation. Il n'est pas demandé si le bonheur est la même chose que le plaisir, la question portant sur la…


Article
3 min
Alexandre Lacroix

Lorsqu’il faut trancher entre plusieurs options, voter peut être une très mauvaise méthode ! Un paradoxe découvert par Condorcet au XVIIIe siècle, qui s’applique bien au cas britannique.


Article
3 min
Isabelle Sorente

Face à la catastrophe environnementale à venir, quel langage employer ? Au Royaume-Uni, la rédaction du quotidien The Guardian a tranché : fini de…

Le poids des mots