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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Wikimedia Commons / Raphaël Thiémard

Analyse

De quel côté le Mur est-il tombé ?

André Glucksmann, Vladimir Boukovski, Noam Chomsky, Claus Offe, propos recueillis par Martin Legros publié le 20 septembre 2012 15 min

De nombreux philosophes ont avancé des interprétations aussi stimulantes que discordantes sur l’un des plus grands et des plus mystérieux événements du XXe siècle. Quatre d’entre eux – le Français André Glucksmann, l’Américain Noam Chomsky, l’Allemand Claus Offe et le Russe Vladimir Boukovski – ont accepté de se confronter, vingt ans après, à leurs points de vue de l’époque. Entre fin de l’histoire, retour du nationalisme et avenir du socialisme, comment le sens d’un événement se métamorphose avec le temps.

Le 9 novembre 1989, alors que depuis plusieurs mois des milliers d’Allemands de l’Est passent à l’Ouest via la frontière ouverte entre la Hongrie et l’Autriche et que se succèdent les manifestations réclamant réformes et liberté, le gouvernement de la RDA autorise ses citoyens à voyager à l’étranger. Le soir même des milliers de personnes se massent le long des postes frontières et percent, sous les yeux ébahis des militaires et du monde, le « mur de la honte ». Sans violence aucune, le mur de Berlin tombe, entraînant dans sa chute le rideau de fer, un demi-siècle d’affrontements Est-Ouest, et bientôt, l’URSS et l’empire communiste. Une suite d’événements imprévisibles un an auparavant. Entre le printemps, qui voit la Hongrie et la Pologne s’ouvrir au pluralisme, et la fin de l’année – très exactement le 29 décembre – lorsque le dissident Václav Havel, à peine sorti de prison, est nommé président intérimaire en attendant des élections démocratiques en Tchécoslovaquie, il ne faut que quelques mois pour que le cours de l’Histoire bascule et que la face du monde en soit changée.

La surprise et l’euphorie gagnent les esprits. Dans le New York Times, le dissident polonais Adam Michnik s’exclame : « Je voudrais affirmer que les miracles peuvent advenir dans notre siècle instable ! » Chacun fait l’expérience d’une accélération sans précédent, le temps de l’Histoire semble se confondre avec le temps des horloges. Dans la New York Review of Books, Timothy Garton Ash relève : « En Pologne, cela a pris dix ans, en Hongrie, dix mois, en Allemagne de l’Est dix semaines, en Tchécoslovaquie dix jours… et en Roumanie, dix heures ! »

 

André Glucksmann. « La contagion de la liberté n’est pas éteinte »

Philosophe et essayiste né en 1937, cet ancien militant maoïste a rompu avec le marxisme et est depuis plusieurs années un vif défenseur de la cause tchétchène dans le conflit qui oppose ce peuple aux Russes. Auteur d’une réflexion sur la stratégie et la guerre, il dénonce avec retentissement, en 1975, le totalitarisme communiste dans La Cuisinière et le mangeur d’hommes. Plus de vingt ans après, il couvre les événements de Berlin pour la presse française. Ses articles ont donné lieu à un livre Sortir du communisme, c’est rentrer dans l’Histoire (« Regards croisés », éd. de l’Aube, 1989). Il est l'auteur des Deux Chemins de la philosophie (Plon).

« Printemps 1989, place Tienanmen, octobre, avenue Karl-Marx, une jeunesse bercée, formée, nourrie par le régime, vomit ce régime, dresse la symbolique statue de la Liberté ou crie son nom. L’esprit de contestation, que les humiliés et les désespérés invoquaient chacun pour soi, souffle désormais sur toute la planète socialiste. […] Derrière les dogmes ossifiés et les théories surannées, c’est un mode de vie, une manière d’exister, tout un monde que le mouvement transcontinental de 1989 frappe à mort. […] Sortir du communisme, c’est rentrer dans l’Histoire et non sauter d’un système à l’autre. »

Extrait de « Sortir du communisme », Le Monde, 13 octobre 1989

20 ans après...

« Cet article est en fait un extrait de l’éloge que je prononce, à Francfort, le 15 octobre, en l’honneur de Václav Havel, persécuté dans son pays et lauréat du prix de la Paix. Le Mur tombe trois semaines plus tard, date que je ne peux prévoir, mais ces Allemands de l’Est qui déjà passent le rideau de fer en masse sonnent, à mes oreilles, la chute du communisme réel. C’était, et cela demeure le combat de ma vie. Je n’ai rien à reprendre vingt ans après. En disant que la mort du communisme signifie un retour à l’Histoire, je m’opposais à un article de Francis Fukuyama paru à l’été 1989. Il y proclamait la “fin de l’Histoire”, soit la fin des grands débats, des grands conflits et des grandes épreuves, appel terrifiant à croiser les bras et à dormir debout. Or, je l’affirme, l’Histoire demeure tragique. C’est le lieu des défis, de notre inaction, de nos complaisances ou de nos résistances. Avec Havel, je dis que, au contraire, c’est le communisme qui prétend congeler l’Histoire au nom d’un dogme intouchable – le marxisme – et d’une pratique d’enfermement – le communisme. L’immense et joyeux ébranlement de 1989 la réveille. La liberté fraîchement conquise ou retrouvée place chacun devant ses choix. Havel choisit pour la Tchécoslovaquie la démocratie et la séparation douce de la Tchéquie et de la Slovaquie. Milosevic parie sur la guerre et l’épuration ethnique. Deux manières inconciliables de sortir du communisme. Vingt ans ont passé. Les dissidents, que je défendais alors, sont retournés à l’oubli. D’autres ont pris le relais avec le même courage comme Anna Politkovskaïa, mon amie russe assassinée. Je réitère ma conviction : le “miracle” de 1989 manifeste un processus de très longue durée. Dès 1953, les Berlinois de l’Est, à la mort de Staline, se soulevaient contre le régime communiste. Suivent les révoltes polonaise et hongroise (1956), le Printemps de Prague (1968), la dissidence russe (Soljénitsyne et Sakharov), Solidarnosc… Cet élan continue sa course : révolution des roses en Géorgie (2003), révolution orange en Ukraine (2004) s’inscrivent dans le droit fil, la contagion de la liberté n’est pas éteinte. Vingt ans ont passé. La “vieille” Europe, enfant gâtée, préserve son dolce farniente. Elle fut totalement passive face au génocide des Tutsis du Rwanda et devant l’écrasement des Tchétchènes par les Russes. Aujourd’hui, le président géorgien Saakhachvili n’est pas mieux considéré que Havel à l’époque. Le “crime d’indifférence” (Hermann Broch) a repris du galon. Ce qui nous manque, c’est le sens des risques et du danger. Ce qui a transformé l’Europe de Yalta, ce n’est pas les grandes manœuvres des grandes puissances, mais Le Pouvoir des sans-pouvoir (Havel), La Solidarité des ébranlés (Patocka), et L’Archipel du goulag (Soljénitsyne). »

Propos recueillis par Michel Eltchaninoff
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