Berlin célèbre le vingt-cinquième anniversaire de la chute du Mur

9 novembre 2014 : voici 25 ans que le mur de Berlin est tombé. La capitale allemande s’apprête à célébrer l’événement historique. 8 000 ballons illuminés, censés former une « frontière de lumière » sur l’ancien tracé du mur, seront lâchés en présence de la chancelière Angela Merkel, de l'ancien président polonais Lech Walesa et de Mikhaïl Gorbatchev

Une curiosité : ce « mur de la honte » est paradoxalement devenu un symbole de liberté sinon de réconciliation entre les nations. Pour preuve, comme nous l'apprend l'AFP, des vestiges de cette frontière de béton sont achetés ci et là comme un appel à la réconciliation ou une forme de vestige en guise de mise en garde : quatre panneaux installés en Corée du sud, d’autres au siège des Nations unies ou à la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg (France)… Une installation prévue à Bratislava commémorera l’anniversaire de la Révolution de velours en Tchécoslovaquie, le 16 novembre prochain.
 

Compréhension

Et à Berlin même, certains se mobilisent pour sauvegarder ces lieux de mémoire. Ainsi, les travaux pour ouvrir une brèche dans le mur de Berlin ont été suspendus le lundi 4 mars 2013 après que 6000 personnes ont manifesté. Ils protestaient contre le projet de détruire l’un des dernier vestige du « mur de protection antifasciste », selon son nom officiel est-allemand, qui a divisé la ville du 13 août 1961 au 9 novembre 1989. En lieu et place devait être construit en lieu et place un immeuble de luxe. Pourquoi ?

Pour les opposants à la destruction de ces derniers pans, la présence du mur n’apporte pas seulement des preuves à l’histoire de l’Allemagne, elle offre aussi la possibilité de la comprendre. Le pasteur Manfred Fischer, que nous interrogions en 2012, a par exemple obtenu de haute lutte que quelques centaines de mètres de béton gris de 3,60 m de hauteur le long de la Bernauer Strasse soient conservés près de son église, après la disparition de la RDA. Car « concevoir, c’est saisir – physiquement. Ce n’est que lorsque je peux manipuler la chose, lorsque j’en fais l’expérience corporelle, que je peux la comprendre. »

Perplexité

Et que permet-elle de comprendre au juste ? Là, comme nous l’avions montré à l’occasion du vingtième anniversaire de la chute du mur, en réinterrogeant les grandes figures intellectuelles qui se sont exprimées à l’époque, les interprétations ne sont pas univoques. Par exemple, avec la fin de l’alternative communiste, la « victoire » du capitalisme et de la démocratie libérale est apparu à certains comme un point d'orgue marquant la « fin de l’Histoire ». C'est la thèse avancée dès l’été 1989 par le philosophe américain Francis Fukuyama. Selon lui, grands conflits seraient voués à s’effacer au profit de l’avènement d’un « État universel et homogène ».

Le philosophe français, André Glucksmann, qui a couvert les événements en Allemagne pour la presse française, ne le voit pas de cet œil là. Pour lui, la décomposition du communisme signifie exactement l’inverse de la fin de l’histoire. Il soutient alors que « sortir du communisme, c’est rentrer dans l’Histoire, et non sauter d’un système à l’autre ». 

Enfin, pour Régis Debray, dans un article intitulé « Le retour de l’Histoire » publié dans Le Monde, « ce qu’annonce cette souriante apocalypse, ce n’est nullement la fin de l’Histoire, mais son recommencement. […] Confondre la fin de la guerre froide avec la fin de la guerre, la fin de l’Histoire avec la fin d’un cycle de non-histoire serait pour nous la pire façon d’aborder les temps durs qui nous attendent, étrangers à nos soft berceuses… »

Et de prophétiser : « Les groupes humains veulent d’abord être eux-mêmes, parler leur langue, pratiquer leurs croyances, nourrir leur mémoire dans un milieu de vie préservé, participer à la chose publique et produire suffisamment. Le communisme a failli sur tous ces points… Mais la question est de savoir si la croissance matérielle incontrôlée et illimitée (du) libéralisme n’implique pas à terme une dévastation culturelle et écologique telle que la balance des coûts et des gains du modèle laisse l’humanité développée plutôt perplexe. »