Analyse

De quel chapeau magique sortent les milliards ?

Anne-Sophie Moreau publié le 3 min

8 000 milliards de dollars ! C’est la somme vertigineuse débloquée par les États du monde entier pour faire face au marasme post-Covid. Comment la France, par exemple, peut-elle se le permettre ? Voici le « truc » de ce tour de passe-passe monétaire.

« Quand la maison brûle, on ne compte pas les litres d’eau pour éteindre l’incendie. » Ainsi le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin a-t-il justifié, dans une interview donnée en mars aux Échos, le montant colossal du plan de sauvetage destiné à sortir l’économie française du marasme : 45 milliards d’euros. Une générosité étonnante de la part d’un gouvernement qui, jusqu’ici, faisait tout pour réduire le volet « dépenses » du budget. Depuis, l’Assemblée nationale ne cesse de voter des rallonges. Mais quelle mouche les a piqués ? Les finances publiques n’étaient donc pas dans le rouge ? En mai, le Fonds monétaire international estimait à 8 000 milliards de dollars les mesures budgétaires prises par les pays du monde entier pour enrayer la crise. D’où vient tout cet argent ? 

 

L’endettement sans risque ?

Ci-gît le paradoxe : l’argent vient de nulle part, car il ne repose sur… rien. En 1971, le dollar cessa d’être convertible en or. Depuis, les banques créent de la monnaie en accordant des crédits. Le rôle d’une banque centrale est de garantir la stabilité du système : c’est elle qui, en variant les taux auxquels les banques commerciales se refinancent auprès d’elle, empêche que le système s’emballe. Le but ? Préserver la confiance et montrer qu’on maîtrise ce qui fut longtemps la hantise des gouvernants : l’inflation. « Multipliez les denrées, elles deviennent meilleur marché ; multipliez les espèces, vous rendez les denrées plus chères », note David Hume dans l’un de ses Discours politiques (1752) consacré à l’argent. La quantité de monnaie en circulation peut faire flamber les prix, comme dans les années 1930. C’est cette perspective redoutable qui, en temps normal, retient les États de financer leurs dépenses par la « planche à billets ».

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