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Constantin Sigov à Kiev (Ukraine), en novembre 2017. © Niels Ackermann/Lundi13

Tribune

Constantin Sigov : “Les Ukrainiens eux-mêmes ont été stupéfaits de leur capacité de résistance”

Constantin Sigov publié le 19 décembre 2022 16 min

Alors que la guerre ne donne aucun signe d’accalmie en Ukraine, le philosophe et éditeur ukrainien Constantin Sigov, qui publie début janvier Le Courage de l’Ukraine (Éditions du Cerf, 2023), pose des mots justes et poignants sur une réalité qui nous paraît parfois lointaine. Et se livre à une longue réflexion sur la justice, la vérité et les intérêts partagés par l’Ukraine et l’Europe, méritant que les deux fassent front ensemble contre l’agression russe.

Avant la catastrophe

L’indifférence est un risque majeur. À cause de l’indifférence quasi naturelle, mécanique, on ne voit pas ce qu’on voit, on n’écoute pas ce qui est audible. Aujourd’hui, je peux répondre avec beaucoup plus de netteté à une question qui m’a été posée par un ami français le 24 février 2022, le jour où la Russie a attaqué l’Ukraine : « Les Occidentaux ont-ils été naïfs ? » Ô combien ! Nous savons pertinemment aujourd’hui, grâce aux documents publiés y compris par les princes qui nous gouvernent, que la veille du 24 février, la coordination entre les pays démocratiques libres, France, Allemagne, Amérique, Angleterre, aurait pu éviter la catastrophe. Il y a une lourde responsabilité, partagée bien sûr par les Ukrainiens. Mais si l’on n’avait pas été indifférent, si l’on n’avait pas été inconscient du risque – peut-être le risque majeur de notre époque – qui était à notre porte, qui était débattu à la télévision depuis des semaines, les choses auraient pu être différentes. Nous tenons là un exemple parfait, paradigmatique : le risque est là, il est annoncé, et rien n’est fait. Qu’est-ce qui a manqué ? Hannah Arendt faisait la distinction entre le pouvoir et la violence. Le pouvoir est la capacité d’agir ensemble, la violence, c’est tout le contraire. Or le 22, le 23 février, les pays libres n’ont pas agi ensemble. Donc, ils n’ont pas exercé leur pouvoir pour éviter le risque. Alors que c’était possible. Si un signe clair et net, avec les signatures des pays du G7, avait pu être envoyé directement au Kremlin, alors le bombardement d’une capitale de l’Europe aurait pu ne pas figurer dans les manuels d’histoire.

Nous savons aujourd’hui que l’Allemagne avait quasiment lâché l’affaire, que la France, tout en étant bien informée, n’y croyait pas vraiment. Peut-être espérait-elle influencer Poutine, mais ce que nous avons retenu, c’est l’image de cette table immense, infinie, au Kremlin, avec deux messieurs assis à chaque bout. C’est la métaphore même du malentendu, de l’absence totale de langue commune. Le mensonge asséné par Poutine à Macron a été reçu par le président français, et celui-ci n’a réalisé que le 24 février que c’était totalement faux. Ce drame restera l’exemple clé d’un risque qui n’est pas du tout inconnu, pas du tout soudain – à la différence d’une catastrophe technique ou d’une éruption volcanique – face auquel des gens intelligents et informés, à Paris, Londres ou Berlin, n’ont pas su prendre une décision qui aurait pu, au moins, minimiser ce risque. Ils nourrissaient l’illusion qu’une attaque éventuelle resterait localisée à l’Est, dans le Donbass, et n’allait pas toucher l’ensemble de l’Ukraine c’est-à-dire un pays voisin de l’Union européenne. Or, dès le mois de mars, des bombardements ont frappé tout près de la frontière avec la Pologne.

Tchernobyl bis

Un autre risque majeur n’avait pas été anticipé : dès le 24 février, au premier jour de l’invasion, les troupes russes ont occupé la centrale nucléaire de Tchernobyl. Celle-ci est située à la frontière avec la Biélorussie, dont le territoire avait été très largement contaminé lors de la catastrophe de 1986. J’ai grandi dans une famille d’enseignants en mathématiques et en informatique, mon grand-père dirigeait l’institut de physique de l’Académie des sciences de Kiev. J’ai compris à l’instant que nous étions confrontés au risque d’un Tchernobyl bis, aggravé, multiplié par le fait que les gens qui ont occupé le site n’étaient ni des physiciens, ni des spécialistes de la sûreté nucléaire, mais des artilleurs de base.

Ce décalage entre une science hautement sophistiquée et une force brute s’est reproduit un peu plus tard dans la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande d’Europe, dont les immenses installations atomiques et les dispositifs techniques de pointe se sont trouvés exposés à la barbarie. Malgré les débats à côté de la plaque sur qui a fait quoi (« Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir bombardé la centrale »), il est clair et net qu’il y a le pays agresseur et le pays agressé ; il y a celui qui occupe et annexe des territoires, et celui qui se défend. La seule manière d’assurer la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia et de toutes les centrales nucléaires d’Ukraine, est de revenir tout simplement à l’ordre international, aux frontières d’avant 2014. Et surtout, ne plus faire semblant d’être dans le brouillard. Il est enfantin de tourner autour de trois arbres en prétendant ne pas voir la forêt. La forêt est là, c’est l’État russe agresseur, désigné comme État terroriste par le Parlement européen, par l’Assemblée parlementaire de l’Otan et plus tôt encore par les parlements des pays baltes. La manière scientifique d’éviter le risque est de dire et nommer les choses comme elles sont.

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