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Récit

Clartés du commencement. Une descente dans la grotte Chauvet

Pierre Péju publié le 30 mai 2013 9 min

La grotte Chauvet, en Ardèche, a été inscrite au patrimoine de l'Unesco, le dimanche 22 juin 2014. Le romancier Pierre Péju est l’un des rares à s’être rendus dans ce lieu fermé au public. Outre l’émerveillement devant ces peintures vieilles de plus de trente-cinq mille ans, il en a rapporté une hypothèse personnelle : s’ils dessinaient inlassablement des bêtes sauvages, c’est précisément parce que les hommes du Paléolithique s’arrachaient à leur propre animalité.

Soudain, dans la caverne obscure, de l’ocre rouge ! Plusieurs dizaines de points rouges appliqués par une paume humaine sur la paroi calcaire. Au hasard ? Rien n’est moins sûr. On croit discerner la silhouette d’un gros animal. Plus loin, d’autres formes. Têtes de chevaux, insectes, des points encore. Des traits. Puis le dessin extrêmement pur d’un ours des cavernes. Élégance du contour rouge orangé. Le détail touchant des petites oreilles. Panthère. Papillon. Rapace. Des mains positives. Des mains négatives. Qui est venu là ? Qui s’est appliqué à tracer ces formes à la lueur de petits foyers de bois de pin ? On chemine de surprise en surprise jusqu’à ce qu’on peut appeler le grand spectacle du « panneau des chevaux » ou du « panneau des lions ». Depuis plus de trente mille ans, ces peintures se tenaient donc dans une bulle de roche, de silence et de ténèbres. Cette seule idée produit sur l’esprit un choc d’énigme et de merveille.

Au cours d’une vie, ce n’est qu’en de très rares occasions que nous descendons dans les grandes profondeurs du Temps.

 

«Personne ne sait vraiment expliquer pourquoi on trouve si peu de figures humaines, que des artistes disposant d’une telle maîtrise auraient facilement exécutées »

 

La nuit précédant mon premier contact avec la grotte Chauvet, j’avais fait un rêve étrange dans lequel mon corps se trouvait enchâssé ou pris comme un fossile dans une roche noire. Aveugle, j’étais voué à une paralysie mortelle. C’est alors que je découvrais qu’en esquissant un léger mouvement de tête, une simple secousse de mon front, je parvenais à propulser vigoureusement mon corps à travers la matière obscure comme un poisson, un têtard. Après l’angoisse, c’est dans l’euphorie que je me faufilais dans la masse rocheuse, et soudain dans mon rêve, « j’y voyais noir », comme on dit « j’y vois clair », puisque, malgré l’obscurité totale, je parvenais à distinguer autant de nuances de noir que dans les tableaux de Soulages. Le noir était une langue inconnue qui se parlait toute seule, subtile, sans âge, mais incompréhensible.

Ces images oniriques me poursuivaient tandis que je conduisais, en direction de la grotte, sur les routes de la Basse-Ardèche. J’étais habitué à une Ardèche estivale, lumineuse, touristique, inséparable d’une ambiance de vacances. La pluie battante rendait le paysage gris et terne ; des nappes de brume estompaient les arbres et les rochers ; la rivière en crue charriait branchages et arbres arrachés. Le pont d’Arc comme un signe de la violence des éléments. À coup sûr, des bêtes sauvages allaient sortir du brouillard. Fourrure et pelage, griffes et crocs, défenses et cornes. Masses lentes, odeur de fauve. Chevaux de profil à la crinière trempée. La masse sombre d’un ours. Une hyène. Et là-bas, ces taches noires, des taureaux en troupeau, figés dans leur rumination. Ou peut-être des rennes fantomatiques piétinant dans la boue. Rhinocéros, aurochs, mammouths : pures sonorités qui soudain prennent forme, rappel de ce que les animaux furent si longtemps des maîtres sur la terre.

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