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À table !

Bière et fromage : le fermenté, classique indémodable depuis 3 000 ans 

Octave Larmagnac-Matheron publié le 27 octobre 2021 3 min

La recherche scientifique prend parfois d’étranges détours. Une équipe menée par le microbiologiste Frank Maixner s’est ainsi retrouvée le nez… dans un excrément fossilisé vieux de 2 700 ans, découvert au cœur de la mine de Hallstatt, dans les Alpes autrichiennes. Surprise : la déjection de l’âge du Bronze contenait des traces de bière et de fromage bleu. Les hommes de l’époque « étaient assez sophistiqués pour utiliser la fermentation de façon intentionnelle, ce qui m’a beaucoup surpris », a commenté Maixner. Les « transformations complexes d’aliments » comme la fermentation, qui font aujourd’hui les joies de toutes les tables d’apéro, marquent une innovation anthropologique majeure : elles inaugurent une nouvelle catégorie culinaire, comme le remarquait déjà Claude Lévi-Strauss. 

 

Bière et fromage (pour une grande partie de ses variétés) appartiennent à une étrange catégorie d’aliments : le fermenté. Étrange car celui-ci ne s’insère pas, en particulier, dans le fameux « triangle culinaire » proposé par Levi-Strauss pour penser le rapport que nous entretenons aux aliments. L’anthropologue distingue trois pôles fondamentaux :

  • Le cru, qui « constitue le pôle non marqué […] par rapport à la cuisine ». L’aliment cru est un aliment non travaillé, consommé tel quel, sans intervention. Par excellence : la consommation de baies fraîchement récoltées.
  • Le cuit est, avec l’usage du feu, la forme paradigmatique d’une « transformation culturelle du cru ». Entre le cuit et le cru passe une ligne : celle « entre culture/nature ». La forme par excellence du cuit, pour Lévi-Strauss, c’est le fumage de la viande, qui permet une cuisson homogène et totale, plutôt que le rôtissage, qui cuit de l’extérieur la peau du gibier.
  • Le pourri est, comme le cuit, une catégorie « marquée » par rapport au cru, mais les deux sont marqués « dans des directions opposées ». Car le pourri, la putréfaction des aliments, est « une transformation naturelle du cru », qui interdit en général leur consommation. Par rapport au cuit culturel, le pourri appartient à la nature. Mais par rapport au cru, il relève d’une opposition « entre élaboré/non-élaboré ».

Où placer le fermenté ? Difficile à dire, et pour une bonne raison : le fermenté se situe entre ces catégories. Il s’apparente au pourrissement – puisque le principe même de la fermentation est lié à la prolifération naturelle de bactéries, moisissures et autres micro-organismes. Mais cette dérive naturelle n’est pas une putréfaction anarchique, laquelle rend en général l’aliment inconsommable. C’est une flétrissure encadrée, pilotée par un certain nombre de techniques culturelles. La bière – et une partie des fromages – connaissent une cuisson avant d’être livrés au processus de fermentation.

Lévi-Strauss, sans s’y arrêter, résume clairement la position singulière du fermenté : le fermenté, c’est « la culture qui se dépasse elle-même ». Si « le pourri est en deçà du cru », puisqu’il dégrade les aliments, il faut aussi dire que « le cuit est en deçà du fermenté », car ce dernier poursuit, entre culture et nature, son processus de raffinement bien au-delà du seul moment de la cuisson. 

Le fermenté, qui brouille les lignes de partage, est en quelque sorte le degré supérieur de la sophistication culinaire. Une bonne raison pour le consommer à l’apéro ! Mais il suscite aussi une certaine méfiance, voire un franc dégoût, parce qu’il évoque la putréfaction qui grouille tout en bas de la chaîne des aliments.

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