Vanessa Nurock : “En adoptant la logique du care, on se défait du fantasme de maîtrise absolue”
Maîtresse de conférences à l’université Paris-8, chercheuse au laboratoire d’études de genre et de sexualité (Legs), elle a travaillé sur les théories de la justice et les éthiques du care. Elle expose la pertinence de ces approches face à la pandémie de Covid-19.
« Certains insistent sur le fait que nous ignorons aujourd’hui les éventuels effets secondaires des vaccins, et ce n’est pas faux, bien que ceux-ci aient passé avec succès les phases de test. Cependant, on oublie dans le même temps une autre ignorance, au moins aussi importante, celle des effets secondaires de la maladie, de ses conséquences sur le long terme, notamment sur le plan neurologique. Au lieu de féliciter les biologistes d’avoir mis au point des vaccins avec une extraordinaire rapidité, on leur reproche de ne pas pouvoir nous donner des garanties absolues quant à l’innocuité de leurs remèdes.
“Tant qu’on est dans une logique de risque, on se maintient dans une attitude surplombante afin de se rapprocher du risque zéro”
Pour ma part, au lieu de réfléchir uniquement en termes de risques, je propose de poser le débat en termes de care, mot anglo-saxon qui signifie entre autres “se soucier de” ou “prendre soin”, et qui désigne tant la disposition empathique que l’action de “s’occuper de”. Cette approche a notamment été proposée par la psychologue américaine Carol Gilligan à la fin du XXe siècle. Tant qu’on est dans une logique de risque, en effet, on se maintient dans une attitude surplombante, voire omnisciente, afin de se rapprocher du risque zéro. Or je ne crois pas que ce soit l’approche la plus pertinente en ce moment. Si l’on entre dans la logique du care, on assume une forme d’imprévisibilité, on se défait du fantasme de la maîtrise absolue, on renoue avec l’idée que soigner les humains (entre autres) et en prendre soin est un art, avec ses ajustements au cas par cas. Et l’on se demande comment faire pour prendre soin de soi mais aussi des autres. Il s’agit aussi de prendre des décisions en fonction de ce qui nous importe, de ce dont nous nous soucions, et donc de poser la question : “À quoi tenons-nous ?” Cela a été très bien montré par la politiste féministe américaine Joan Tronto dans son ouvrage Le Risque ou le Care ? (2012).
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