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Excellente Tenue, 2010, issue de la série “La Famille”. © 2010, Alain Laboile

Essai

Couches pour bébé, le soin contrarié

Arthur Lochmann publié le 02 juin 2022 10 min

Arthur Lochmann n’est pas seulement philosophe et traducteur, charpentier et varappeur, ce dont il témoignait dans Toucher le vertige. Il est aussi père depuis peu. De cette expérience existentielle, il tire une réflexion sur la principale « externalité négative » du nourrisson : la couche !

 

Il y a le poids du petit corps posé sur l’épaule et qui semble s’alléger lorsque, s’abandonnant finalement au sommeil, il relâche la tension qui traversait tout son être. Il y a le bouquet de senteurs dont la vie s’est emplie depuis la naissance : l’odeur du bébé, qui semble émaner de son crâne, les parfums variés des produits de soin, l’odeur discrète de la couche propre, arôme doux, fragrance d’enfance, qui parfois en vient à se confondre avec celle du bébé, cette odeur si singulière, intime, intimissime. Et, recouvrant souvent les odeurs, il y a d’autres signaux moins discrets, moins ténus, plus perçants : les cris. Le cri de faim, intense et continu ; le cri de fatigue, interrompu et hésitant ; le cri de gêne que suscite la couche souillée.

À la naissance d’un enfant, la vie semble être une succession ininterrompue d’observations minutieuses, d’interprétations hasardeuses et de réactions tâtonnantes. Peu à peu, par le soin que l’on prendra de lui, par les réponses que l’on apportera à ses besoins, l’enfant prendra pied dans l’humanité. Cela demandera du temps et beaucoup d’attention. En attendant, il faut parvenir à donner du sens à des signaux encore difficilement déchiffrables.

Parmi cette forêt d’indices mystérieux, on aurait pu, si l’on s’y était intéressé d’emblée, distinguer les signes du nouveau-né qui s’apprête à faire ses besoins : dans ses premiers jours, il agite brièvement les jambes et pousse un petit cri. C’est ce signal auquel les mères qui portent traditionnellement leur enfant sur le dos se rendent attentives pour pouvoir descendre leur nourrisson à temps. Lorsque son agitation suscite une réaction, l’enfant persévère dans ce mode de communication jusqu’à devenir propre de lui-même. L’enfant qui porte une couche, lui, perd rapidement ce réflexe, qui reste sans réponse. Quelques semaines après la naissance, il se fait dessus sans plus avertir. Un bruit de tonnerre étouffé, un léger renflement de la couche ou une odeur d’ammoniaque qui monte, et l’on comprend qu’il faut le changer.

Le nouveau-né est donc allongé sur le dos. La couche retirée, l’entrejambe essuyé, il est entièrement livré à ce grand air froid et extérieur où il vient de faire son entrée, les membres mus d’une agitation incontrôlée, le regard flou, flottant, fluide, qui parfois, par hasard, suspend son errance parmi les formes du monde et se fixe un bref instant. Il est nu, absolument nu, incompréhensiblement nu.

 

Humaniser le nouveau-né

Mettre une couche. Il y a quelque chose de rassurant dans cette normalisation, cette standardisation. Elle atténue l’extrême singularité du bébé, elle tire vers l’humanité son petit corps encore chargé d’animalité et d’étrangeté. Autrefois, cette fonction était remplie par l’emmaillotage. En enveloppant tout le corps du nourrisson d’un très long lange, le maillot n’avait pas seulement la finalité pratique d’absorber les excrétions, il avait également la fonction symbolique de guider la croissance des jambes, qui sont encore courbes à la naissance. De l’Antiquité jusqu’au XXe siècle, on a souvent pensé qu’en l’absence de correction orthopédique, l’enfant n’aurait pas la rectitude propre à l’espèce humaine : « L’enfant doit être ainsi emmailloté, écrivait un accoucheur du XVIIe siècle, afin de donner à son petit corps la figure droite qui est la plus décente et la plus convenable à l’homme et pour l’accoutumer à se tenir sur ses deux pieds ; car sans cela, il marcherait peut-être à quatre pattes comme la plupart des autres animaux. »

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