Astrid Chevance : “Ce qui compte dans le délire, c’est la fixité de l’idée”
Pour la psychiatre Astrid Chevance, spécialiste de la dépression et chercheuse en épidémiologie clinique, le désordre apparent du trouble psychique masque un ordre radicalement autre, celui – souvent incompréhensible – de la maladie.
Les psychiatres parlent plutôt de « trouble » que de « désordre » mental. Pourquoi ?
Astrid Chevance : La version française du DSM [Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders], l’ouvrage de référence publié par l’Association américaine de psychiatrie, se présente en effet comme un manuel diagnostique et statistique des « troubles mentaux », là où l’anglais parle de « mental disorders ». C’est un choix de traduction. Le terme de « désordre » est employé sans difficulté par la sociologie normative, qui étudie nos comportements et nos institutions ; en psychiatrie, il l’est moins spontanément, car un jugement de valeur est suspecté d’être attaché aux notions d’ordre et de désordre. Mais le plus remarquable est que l’on parle non pas de maladie mais de « trouble ». Le terme « maladie » est réservé aux troubles recevant une explication physiopathologique, ce qui n’est pour l’instant pas le cas des troubles psychiques, bien qu’il existe des pistes et des hypothèses.
“On ne peut pas définir une pathologie sans définir le ‘normal’”
Parler de trouble plutôt que de désordre, est-ce aussi une manière d’éviter de se référer à un ordre normatif ?
On ne peut pas définir une pathologie sans définir le « normal ». Ensuite, est-ce que toute norme obéit à un jugement de valeur ? Je ne le crois pas. Il me semble qu’il y a plusieurs registres de normalité dans la pratique de la psychiatrie. Premièrement, il y a un ordre statistique. Les phénomènes humains suivent des lois, une certaine répartition des événements. Est considéré comme pathologique en médecine ce qui dévie par rapport à cette norme ou à cette répartition statistique. Mais la frontière entre normal et pathologique ne se réduit pas à la déviance statistique, heureusement. Il y a aussi le registre normatif de la personne elle-même, ce qu’elle décrit lorsqu’elle nous dit : « Je ne me ressemble plus, j’ai changé. » Cet ordre peut être plus ou moins congruent à celui de son entourage qui, lui aussi, peut nous signifier que son parent a changé. La perception des troubles du comportement, des émotions, des pensées, diffère ainsi par rapport à un groupe d’appartenance, à un moment historique ou à une culture donnée. Le philosophe Georges Canguilhem le souligne : « L’état pathologique ne peut être dit anormal absolument, mais anormal dans la relation à une situation déterminée. » Cette dimension est prise en compte dans la nosographie [description et classification méthodique des maladies] contemporaine. Pour qu’il y ait trouble, il faut qu’il y ait souffrance clinique et changement dans le fonctionnement de la personne. Par exemple, dans le cas de la dépression, une tristesse acquiert une dimension pathologique si elle est en lien avec plusieurs autres symptômes et que l’on peut identifier une souffrance et une rupture de fonctionnement. Il existe donc plusieurs repères normatifs pour le psychiatre, qui repère un trouble par rapport à un « état de base » du patient.
L’orthorexie, du grec orthos, « correct », et órexis (ὄρεξις), qui signifie « appétit », est un trouble des conduites…
Le cinquième « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux » (DSM) sort ce mercredi, classifiant 450 troubles mentaux, contre moins de…
Chaque année la Fondation Singer-Polignac accueille une journée de rencontres en partenariat avec l’hôpital Saint-Anne. Le 15 octobre,…
En psychiatrie, la cohabitation en soi de plusieurs personnalités porte un nom : le trouble dissociatif de l’identité. Mais s’ouvrir au…
Le second confinement a entraîné une hausse brutale des cas de dépression, une pathologie qui toucherait désormais un Français sur cinq. Nous…
Vous êtes plutôt Prozac ou Paroxétine ? Effexor ou Seroplex ? Si ces noms vous sont étrangers, vous faites partie des quelques épargnés…
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté publie un rapport accablant sur la pratique de la psychiatrie dans un centre de l’Ain…
La Chine, une civilisation vieille de 5 000 ans ? Oui… si l’on en croit le discours du parti communiste chinois, qui entend bien…