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Vacances

Airbnb ou l’art de cultiver l’impersonnalité

Clara Degiovanni publié le 23 juillet 2022 3 min

Avez-vous déjà séjourné dans un logement Airbnb destiné uniquement à la location ? On ne se sent ni chez soi, ni chez quelqu’un. Comme à l’hôtel… mais pas tout à fait non plus ? (Re)visitons ce lieu « entre deux » avec Martin Heidegger et Hannah Arendt.

 

  • Des lieux « emménagés » et pas « ménagés ». Un Airbnb est un lieu emménagé pour la location des vacanciers. La liste des services proposés par l’hôte (draps, climatisation, serviettes…) rend compte de ces installations pratiques. Pour autant, cela ne veut pas dire que l’endroit est « ménagé ». Un petit détour par la pensée de Martin Heidegger peut nous aider à comprendre cette différence de taille. D’après ce philosophe, un lieu emménagé dispose d’objets fonctionnels. Un lieu « ménagé », beaucoup plus intime et personnel, est conçu pour être une petite bulle protégée. Le « véritable ménagement […] a lieu quand nous entourons quelque chose d’une protection », explique le philosophe dans une conférence intitulée « Bâtir, habiter, penser », prononcée en 1951. Pour transformer un Airbnb en lieu familier, il ne suffit pas de mettre une alarme ou une clôture. Il faut que celui qui y vive ait l’impression d’être « comme à la maison ». Car « habiter », selon Heidegger, veut dire « être mis en sûreté […] rester enclos dans ce qui nous est parent ». Là où le « ménagement » nous place en terrain connu, « l’emménagement » cultive la froideur pratique et l’impersonnalité. Néanmoins, le pragmatisme de l’emménagement un peu froid des Airbnb reste parfois préférable à l’étrange sensation de vivre « chez quelqu’un », dans l’intimité de ce qui lui est proche (les photos de famille, par exemple). À chacun de voir s’il préfère vivre dans un décor de salle d’attente… ou parmi les effets personnels d’autrui.
  • Les Airbnb ne sont pas (toujours) pratiques. Mal insonorisé, fait de bric et de broc, biscornus, avec des objets défaillants… Ils ont beau être emménagés, les Airbnb sont parfois très peu fonctionnels. Comment expliquer ce paradoxe ? « Pensons un instant à une demeure paysanne de la Forêt-Noire », nous propose Heidegger. Le paysan qui a construit et emménagé sa maison a vécu sur les lieux pendant des années. Il travaille pour lui-même, pour le confort de son propre habitat. Aussi veille-t-il aux moindres détails. Il place « la maison sur le versant de la montagne, à l’abri du vent et face au midi » et il a adapté la toiture afin de protéger sa demeure « des tempêtes et des longues nuits d’hiver. » Aussi précautionneux que soit le propriétaire d’un Airbnb, ce souci du détail est quasiment impossible à appliquer lorsqu’on construit ou emménage un logement destiné à la location, dans lequel on sait que l’on ne vivra jamais à long terme. Car selon Heidegger, il y a un lien inextricable entre « le bâtir » et « l’habiter ». En bâtissant ma demeure, je suis déjà en train d’y vivre. Je construis et j’installe à ma convenance l’espace dans lequel je me projette. Je façonne déjà un quotidien à venir. Construire un Airbnb ou un studio locatif, c’est détacher le « bâtir » de « l’habiter ». À l’origine de ce divorce : l’inconfort d’un lieu qui n’est pas pensé et construit pour être vécu au quotidien, mais seulement pour quelques jours de vacances.
  • Une vie de quartier en deux temps pour les habitants permanents. En été, de nombreux habitants de villages voient défiler de nouveaux voisins. Si ce développement des Airbnb dans les zones rurales accroît le dynamisme de certaines régions – ces mêmes villages vont de nouveau se vider en hiver. Comment créer une sociabilité pérenne dans un village lorsque les voisins ne restent jamais plus de trois semaines ? L’ère Airbnb vient battre en brèche une conception de l’habitation comme « demeure », c’est-à-dire comme lieu où l’on s’installe pour plusieurs années, voire pour la vie entière. Une maison, nous dit Hannah Arendt dans Condition de l’Homme moderne (1958), appartient au domaine de « l’œuvre ». Elle est faite pour « durer » et s’inscrit dans ce qui relève de la « permanence ». C’est cette dimension « durable » qui nous rassure et nous donne des repères au quotidien. Il est normal et même souhaitable de changer de temps à autre de lieu de vie lorsqu’on en a les moyens. Ce qui l’est moins, c’est d’être entouré uniquement par des gens de passage quand on reste soi-même à demeure. Celui qui vit seul entouré de voisins en perpétuel transit ne peut se « ménager » un nid durable, familier et rassurant. Il est lui-même pris dans la spirale cyclique des locations estivales… et des périodes de solitude hivernale.
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