Un monde de déchirements. Théorie critique, psychanalyse, sociologie
Une recension de Agnès Gayraud, publié le1_Faire parler le social
En demandant « ce que social veut dire », Axel Honneth hérite d’une tradition de pensée : celle de la Théorie critique. Développée depuis la fin des années 1930, entre philosophie, sociologie, psychanalyse (Adorno et Horkheimer) et philosophie du langage (Habermas), cette tradition s’est donné pour tâche d’interpréter le social de façon corrosive et lucide, basculant parfois dans un profond pessimisme. De fait, faire parler le social n’est pas une démarche neutre, qui n’aurait d’intention que descriptive. De l’aveu de Honneth lui-même, elle ne prend sens que face aux dysfonctionnements de la société qui nous empêchent de réaliser nos aspirations individuelles légitimes, bref, de nous socialiser.
2_Lutte pour la reconnaissance
Mais qu’est-ce qui indique qu’une socialisation échoue ? À l’évidence, une certaine souffrance sociale qui perce partout. La première génération de la Théorie critique l’expliquait en dénonçant l’aliénation inhérente à la société marchande et la domination induite par la lutte des classes. En déplaçant l’angle critique, Honneth ressaisit cette souffrance en partant de la « lutte pour la reconnaissance ». Plutôt que de dénoncer l’absurdité des structures, il envisage, à hauteur d’hommes et de groupes sociaux, le déni multiforme opposé aux individus par trois grandes formes de mépris : l’atteinte physique, l’atteinte juridique et l’atteinte à la dignité de l’individu. La société qui tolère ces atteintes est une « société du mépris ».
3_Réalité et morale
Formuler à partir de là une théorie sociale qui mette les mains dans le cambouis des contradictions de la société démocratique néocapitaliste – cette société qui promet aux individus une reconnaissance qu’elle offre peu –, c’est toute l’originalité de Honneth. En rupture avec le modèle développé dans les années 1980 par John Rawls dans sa Théorie de la justice, le philosophe francfortois évite une théorie normative qui élabore en surplomb des critères éthiques. Si la morale est essentielle chez Honneth, elle ne part pas d’un idéal abstrait mais d’un regard critique sur la réalité sociale : celle du « déchirement » entre besoin et déni de reconnaissance. Une réalité qui concerne tant la morale que la sociologie et la psychanalyse.
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