Raviver les braises du vivant

Une recension de Hannah Attar, publié le

Protéger la nature. Si l’intention est louable, elle dénote un rapport vicié au vivant : il s’agirait de prendre soin d’une chose fragile qui nous est extérieure, position qui mène à la mégalomanie ou à l’impuissance. Aussi Baptiste Morizot lui préfère-t-il une promesse à la fois plus modeste et plus enthousiasmante : « raviver les braises du vivant ». Après avoir théorisé la diplomatie à l’œuvre dans les relations interespèces, il présente ici un manifeste pratique en vue de penser les bons usages de la Terre pour lutter contre le sentiment d’impuissance qui domine. Son point de départ ? Le vivant est un « tissage » dont nous sommes des fils. Dès lors, il est question de cohabiter intelligemment. Frayant une voie au sein d’un débat parasité par les apôtres de l’exploitation de la nature, d’une part, par les collapsologues, d’autre part – qu’il accuse d’être des prophètes d’« apocalypses caricaturales et autoréalisatrices » –, son ouvrage se présente comme une boussole. Non, écrit-il, « le vivant n’est pas une cathédrale en feu », mais, au contraire, « un feu régénérateur et créateur ». À partir de là se dessine la cartographie des bonnes pratiques : celles qui respectent et encouragent cette « absurde prodigalité » du vivant, et celles qui la minent. Monoculture et productivisme, qui créent des écosystèmes simplifiés, sont les ennemis désignés. À l’inverse, la permaculture, les « agroécologies diplomatiques », la réintroduction d’espèces sauvages, l’instauration de zones de friche sont autant de solutions locales qui renforcent la toile du vivant. En donnant les conditions nécessaires aux espèces de s’épanouir, de se reproduire et de cohabiter dans des espaces donnés, ces pratiques permettent un « ruissellement de vie » sur les territoires alentours. Ni sanctuarisation ni exploitation, donc, les braises du vivant se régénéreront d’elles-mêmes pour peu que nous laissions agir les « forces spontanées » qui les animent et mettions fin aux pratiques qui les étouffent… et nous avec ! Face à l’urgence climatique, ce livre est une invitation à renouer avec l’aventure exaltante du vivant, et cela suppose de reconnaître que nous partageons avec toutes les espèces « une vulnérabilité mutuelle et un destin commun ».

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