Pourquoi désobéir en démocratie ?
Une recension de Cédric Enjalbert, publié le« Appel à la résistance citoyenne contre le fichage des enfants : directrices, directeurs d’écoles, nous ne mettons pas et ne mettrons pas en place l’application dite “Base élèves” »... Ainsi, « les appels à la désobéissance civile se sont mis à proliférer dans la France de la fin des années 2000. C’en est presque au point où le refus délibéré de suivre les prescriptions d’une loi, d’un décret ou d’une circulaire, tenus pour indignes ou injustes est devenu une forme courante d’action politique. » Ce phénomène est au cœur de Pourquoi désobéir en démocratie ?, ouvrage approfondi et engagé de la philosophe Sandra Laugier et du sociologue Albert Ogien. Selon eux, ces « réactions épidermiques de refus de l’inadmissible », confirment la thèse de H. D. Thoreau, philosophe américain père de l’expression « désobéissance civile » qui témoigne, selon lui, de la vitalité du politique inhérent à la démocratie. Paradoxe, car se mettre hors la loi pour contester une décision officielle porte en soi une menace pour la démocratie… La désobéissance lui est-elle essentielle ou nuisible ? Existe-t-il un droit à la désobéissance ?
Cité, le philosophe Étienne Balibar identifie trois critères de la désobéissance « politiquement responsable ». Elle répond à une urgence, ouvre sur la possibilité d’une action collective et assume ses conséquences, légales et politiques. Deux types de manifestations la caractérisent : « une réaction viscérale à l’indignité » et « le refus de remplir des obligations légales ». Ce dernier cas, qui pose la question de la façon dont nous sommes gouvernés, occupe le cœur de l’ouvrage, constitué d’une enquête minutieuse autour de trois pôles de désobéissance : l’école, l’hôpital et l’université, où se font sentir les effets d’une réforme gestionnaire entamée depuis les années 1970. Ainsi à l’hôpital, le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information), chargé de produire des données, entrave la liberté pour le médecin d’établir un soin adapté qui n’entrerait pas dans les grilles. Cette « violence arithmétique de la quantification » a introduit une rupture de la « socialité », une « dépossession de soi » : le citoyen n’a plus d’emprise sur les débats publics.
La désobéissance civile répond à cette dépossession. Dire « pas en mon nom » équivaut à récupérer sa voix. C’est d’ailleurs l’un des ressorts de la politique. « On n’a pas une voix propre par nature : il faut la trouver pour parler au nom des autres et laisser parler en votre nom. » Les auteurs militent pour un individualisme qui ne soit pas égoïste, mais qui consiste en une « confiance en soi » permettant de parler pour les autres. Ainsi les formes actuelles de désobéissance « reflètent et rendent public l’état du rapport qui s’est noué, au fil du temps, entre la revendication individuelle de liberté et celle, collective, de citoyenneté. »
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