Morts de désespoir. L’avenir du capitalisme

Une recension de Catherine Portevin, publié le

Quelque chose a mal tourné dans le capitalisme en Amérique. C’est le constat des économistes Anne Case et Angus Deaton, « prix Nobel » 2015, enregistrant un fait inédit en Occident depuis le début du XXe siècle : l’espérance de vie baisse. La catégorie qui décroche surtout est celle des Blancs non hispaniques et non diplômés, nés depuis les années 1960, qui ont pris de plein fouet la disparition de l’emploi industriel qualifié. Pire : ils décèdent précocement de mort violente due à la drogue, à l’alcool ou au suicide ; ils sont « morts de désespoir ». De ce phénomène, les deux auteurs tirent une réflexion fine sur les inégalités dans le système capitaliste. Ces « morts de désespoir »  sont la conséquence des politiques de santé, et notamment du « scandale des opiacées », ces médicaments antidouleur (tel l’OxyContin) prescrits par le libre marché pour le grand bénéfice des industries pharmaceutiques. Le livre de Case et de Deaton concerne les États-Unis, mais il nous parle à plus d’un titre. Philosophiquement, il défait les évidences sur la centralité de la richesse : bas niveau de revenu = désespoir, ou en montrant les effets pervers des politiques de redistribution. Ce que dénoncent Case et Deaton, ce ne sont pas les ultra-riches mais ceux parmi eux qui détournent les rentes à leur profit exclusif (par exemple, les dépenses de santé et d’éducation). « Nous ne sommes pas perturbés par l’inégalité en soi, concluent-ils, mais très inquiets face aux inégalités causées par le vol et la recherche de rente, ou par la redistribution involontaire vers le haut. » Pour en sortir, il faudrait plus qu’un New Deal économique, fiscal et sanitaire : une véritable réforme morale pour sauver les vertus du capitalisme.

Sur le même sujet






Article
16 min
Jack Fereday

Alcool, overdose aux opiacés, suicide… Aux États-Unis, la mortalité explose, alors que l’économie est au beau fixe. Durkheim en main, notre…

Morts par désespoir

Article
3 min
Alexandre Lacroix

« Les gens ne disent pas la vérité lorsqu’ils parlent de leurs enfants. »J’étais en train de boire une bière avec un ami écrivain, Jean-Pierre, à la…

La meilleure des drogues