Monte-Cristo, le procès ! 

Il y en a un qui va être content, c’est Edmond Dantès ! Après avoir été injustement emprisonné au sinistre château d’If, il s’est employé à faire justice lui-même sous le nom de comte de Monte-Cristo, sacrifiant au passage quelques innocents. En assurant un procès équitable au héros d’Alexandre Dumas qui, depuis près de cent quatre-vingts ans, le réclame à cor et à cri, Caroline Julliot propose au lecteur de se faire juge. Car ouvrir un roman, c’est enfiler une robe de magistrat, prévient la maîtresse de conférences à l’université du Mans. Lire, c’est prendre part aux expériences et aux dilemmes des protagonistes, estimer les circonstances de leurs actes, examiner leurs faits et gestes à l’aune de notre éthique ; in fine, c’est prendre parti pour l’un ou l’autre. Le mérite de ce brillant essai est de donner à la lecture de Dumas sa portée philosophico-politique. En quoi son héros se révèle-t-il coupable ? Qui, que juge-t-on quand on entre dans la fiction ? De quel rapport à la vérité dispose-t-on ? Peut-on jamais différencier l’intention de l’écrivain de celle de ses personnages ? Figure du surhomme, Monte-Cristo se place au-dessus des lois. Justement. L’autrice, fondatrice avec Pierre Bayard du réseau Intercripol (Internationale de critique policière), instruit successivement le dossier en vertu de la loi des hommes, loi du talion, de Dieu, de l’auteur – ces lois étant elles-mêmes mises en cause. À témoigner de la difficulté de la tâche, Caroline Julliot nous invite à goûter ce que la lecture offre finalement de mieux : l’occasion de nous juger nous-mêmes.