L’Orchestration du quotidien

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Quoi de commun entre le vrombissement des sabres laser dans la saga Star Wars, le crépitement d’un message sur l’écran d’un téléphone portable et l’indicatif de la SNCF ? Tous ces sons participent d’une ambiance qui définit notre quotidien et façonnent notre appréhension de l’espace, de la ville et des autres. Familiers au point qu’on ne les entend presque plus, ils relèvent pourtant d’une fabrication et de calculs d’une précision inversement proportionnelle à leur durée. Jamais innocents, ils sont le produit d’une discipline fascinante – à la fois technique et enfantine –, tant elle s’apparente à des bricolages ludiques : le design sonore. Autant l’avouer immédiatement, il n’en existe pas de définition satisfaisante. Il se confond régulièrement avec ses confrères, le design acoustique, le sound design (non, ce n’est pas qu’une question de traduction) ou le design musical. Disons qu’il s’agit de la conception de sons liés aux appareils et aux espaces que nous pratiquons. S’adaptant à un sujet fait de bric et de broc, Juliette Volcler signe un essai qui explore les dimensions historiques, sociales et politiques du design sonore, et questionne notre écoute. Qu’entendons-nous lorsque les assistants vocaux de Google, de Microsoft ou d’Apple utilisent par défaut des voix féminines ? Une petite musique de soumission incarnée par Alexa, Cortana et Siri, que l’on peut lancer à l’envi d’un simple « OK ». Si notre environnement sonore transpire les biais sexistes, il véhicule également un concentré de stratégie marketing. Avant le fameux « taa dam tâ-dâm » qui signale toute entrée en gare, l’information était donnée par un cheminot à l’accent différent selon les régions. Depuis les années 1980, c’est la comédienne Simone Hérault qui a pris la relève sur tout le territoire. Sa voix a été synthétisée pour qu’elle lui survive sous le nom d’E-Mone, manière de « réfuter la façon dont sonnent réellement les gares, […] ce fouillis industriel, cet entremêlement de mille voix, de sonneries d’autres marques, de bruits lointains ». Mais un train en retard, lui, fait toujours le même bruit : « Et m****… »

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