Le Sens de la terre. Penser l’écologie avec Nietzsche

Une recension de Jean-Marie Durand, publié le

Tenter un rapprochement entre l’œuvre de Nietzsche et la philosophie environnementale : l’exercice aussi aventureux qu’exigeant auquel se livre Benoît Berthelier dans son premier essai assume un risque interprétatif. Le jeune philosophe de 25 ans rappelle lui-même qu’aucune philosophie de l’écologie « prête à l’emploi » ne se cache dans les écrits de Nietzsche, qui ignorait tout de la question. Penseur de la volonté de puissance, de la puissance qui veut croître, de l’excès, de l’ivresse dionysiaque, de la dépense somptuaire et de la profusion vitale, Nietzsche s’accommode apparemment mal des impératifs écologistes de modération et de décroissance, défendus, par exemple, par l’éthique de responsabilité de Hans Jonas. Mais une autre lecture de Nietzsche est possible : celle qui nourrit une puissance véritablement terrestre, compatible avec la crainte d’une disparition de l’humanité future. Dans les débats actuels sur le péril écologique invitant à redevenir « terrestres » pour parler comme Bruno Latour, Nietzsche donne des clés grâce à ses intuitions sur la « puissance », le « nihilisme » ou le « surhumain », concepts encore féconds pour penser notre présent. Le pari audacieux consiste donc à relire l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra pour y découvrir « une condition générale et minimale à laquelle doit souscrire toute pensée environnementale qui prétend aboutir à une pratique vivable de l’écologie ». Pointant le risque d’un « nihilisme environnemental », cette passion triste marquée par les seuls horizons de la limitation et de la contention, Berthelier trouve chez Nietzsche une ressource philosophique pour habiter la Terre, « qui ne culpabilise pas la puissance » et « ne mortifie pas la volonté ». Sans être absolument certain que cette réflexion, qui articule « d’une manière non nihiliste le souci de l’avenir humain et le sens de la Terre », mobilise les foules écologistes, on peut saluer cette invitation iconoclaste à incorporer les précieux savoirs écologiques comme une manière de stimuler la puissance et non de la tarir.

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