La part sauvage du monde

Une recension de Antoine Rogé, publié le

La nature serait-elle le point aveugle de la pensée de l’Anthropocène ? Faire reconnaître comme nouvelle ère géologique les modifications substantielles du système-Terre par l’activité humaine, n’est-ce pas en effet déclarer la mort de la nature au nom de sa préservation ? C’est cette paradoxale question que pose avec finesse la philosophe Virginie Maris. Sans nier le constat d’une culture humaine omniprésente sur le globe, elle entend défendre ce qui reste de la « part sauvage du monde ». Après avoir insisté sur l’interpénétration entre mondes humain et naturel, les penseurs écologistes ne devraient pas oublier, estime-t-elle, que l’homme n’a pas vocation à être présent partout. Car, à vouloir contrôler la préservation des écosystèmes entre les vivants, il est possible que, suivant la « pente glissante » des petites négligences accumulées, l’homme, même bien intentionné à l’endroit de la biodiversité, anéantisse peu à peu la vie sauvage avec laquelle il prétend cohabiter. Mieux vaudrait, plaide Virginie Maris, s’abstenir d’intervenir. Cette version extrême du principe de précaution ne doit cependant rien à une fascination romantique pour la wilderness. L’aspect original du livre est de donner surtout des raisons « cognitives » de ne plus empiéter hors de notre territoire. Perdre de vue la vie sauvage serait se priver d’un point de comparaison indispensable pour comprendre les effets de la culture humaine sur le monde. Lequel, justement, n’est pas « notre » monde.

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