La part inconstructible de la Terre. Critique du géo-constructivisme
Une recension de Mathilde Lequin, publié le1. Écologie de surplomb
La Terre est mal en point ? Reconstruisons-la, clament les géo-constructivistes, convaincus que des technologies innovantes le permettront. Au XXIe siècle, le rêve primordial n’est plus de quitter la Terre mais de la « refaire ». Décréter l’Anthropocène, comme l’ère où l’Homme est devenu le principal facteur de transformation géologique, procède de ce fantasme, critique Frédéric Neyrat : l’Homme demeure le héros, surplombant la Terre comme s’il s’agissait d’un objet à piloter ou d’une boîte à reformater. Le géo-constructiviste se rêve en « scaphandrier aux pouvoirs démiurgiques refaçonnant la Terre de l’extérieur ». Et il aspire même à produire la vie grâce à la biologie de synthèse. Bienvenue dans un monde où la nature a disparu…
2. Écologie du réseau
Alors que les géo-constructivistes séparent le sujet Homme de l’objet Terre, un autre mouvement, que
Neyrat appelle « éco-constructiviste », affirme au contraire que tout est interconnecté : notre planète est un gigantesque réseau. Né dans les années 1970, ce courant trouve en Bruno Latour son actuel chef de file. Ce dernier nous annonce la fin de la nature, puisque celle-ci est de part en part fabriquée par l’homme et marquée par son empreinte. Comment alors prétendre sauver la Terre si la place autonome de la nature n’y est pas reconnue ? Comme les géo-constructivistes, Latour enterre la nature trop vite selon Frédéric Neyrat. Et les éco-constructivistes, malades du « manque de séparation », s’asphyxient dans une boîte terrestre pleine de soubresauts.
3. Écologie de la séparation
Comme remède, l’auteur défend une « écologie de la séparation ». De quoi s’agit-il ? D’abord de prendre le recul nécessaire pour comprendre pourquoi il importe aujourd’hui de défendre la nature. Car celle-ci ne se réduit pas aux intérêts économiques et politiques que nous projetons sur elle : la nature est fermée sur elle-même, radicalement autre que nous. Sauvage, elle « s’obstine à ne pas nous répondre ». Ce mutisme de la Terre est pour Frédéric Neyrat ce qui fait sa part inconstructible : ni objet ni sujet, elle est un « trajet inconstructible », jamais reproductible en laboratoire. La solution ne serait donc pas de « refaire » la Terre, mais de « défaire » les liens par lesquels nous considérons que nous en sommes propriétaires.
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