La Clinique de Dostoïevski ou les enseignements de la folie

Une recension de Michel Eltchaninoff, publié le

Freud reconnaissait en Dostoïevski l’un des précurseurs de la psychanalyse mais il n’appréciait guère ce « névrosé » « hystérique » un peu « barbare ». Heitor O’Dwyer de Macedo, lui, aime le romancier russe. Dans cet ouvrage, l’analyste montre que Dostoïevski, « clinicien génial », décrit des processus psychiques que Freud ne conceptualisera, avec moins de finesse et quelques impasses, que des décennies plus tard. Le héros des Notes du sous-sol, qui « noie son proche dans le désespoir qu’il dénie et rejette », met en œuvre la logique de la perversion. L’Idiot, lui, rappelle ces thérapeutes « complètement présents aux souffrances de leurs patients et incapables de faire autre chose que de les plaindre ». Quant à Fiodor Karamazov, « rival et envieux de ses enfants », il n’est « pas un père ». Ses fils ne sont donc « même pas des Œdipes en puissance ». Dostoïevski pose aussi le cadre dans lequel se débat toujours notre temps : « Si Dieu n’existe pas, alors c’est à la communauté des humains que revient la garantie précaire et mouvante du sens de notre existence. Cette précarité est source d’angoisse. » O’Dwyer de Macedo montre, sans aucun jargon, que ces romans ne parlent que de cette tentative pour établir avec l’autre une relation vivante, où l’idéologie ne remplacerait pas la religion perdue.

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