Dans le milieu d'une forêt : Essai sur Descartes et le sens de la vie

Une recension de Pierre-Henri Tavoillot, publié le

1 / Un Descartes pour la route

Le Descartes de Denis Moreau est singulier : ce n’est pas le penseur normal qu’on identifie parfois à la classe de terminale ; ce n’est pas non plus le savant abscons et tortueux des universités ; c’est un « apprenti sage » qui recherche comme nous tous à conduire sa vie – la seule dont il dispose – du mieux possible. « Quel chemin de vie suivrai-je ? » Voilà la question directrice du jeune Descartes avec laquelle Moreau nous invite à relire le Discours de la méthode et les Méditations métaphysiques. Et ça marche ! On y voit un jeune homme, « égaré dans le milieu d’une forêt », qui se construit des règles de pensée, des principes de vie et une petite provision de morale pour la route.

2 / Ego-philosophie

À cette lecture originale, Moreau joint un essai d’ego-philosophie. Il se pose pour lui-même cette question : qu’est-ce qui pousse des jeunes gens talentueux (c’est moi qui le dis) à s’engager dans la vie de l’esprit ? Qu’est-ce qui les conduit à devenir des « intellectuels » plutôt que des hommes de pouvoir ou des hommes d’affaires ? La réponse, il l’a trouvée pour lui-même, jeune étudiant, dans la lecture de Descartes. Car le penseur pense toujours qu’il se sauve en pensant ; que la recherche de la vérité est le meilleur moyen de lutter contre les maux de la vie, contre l’ennui de l’existence et in fine contre la mort.

3 / Grandir, vieillir, mourir

Une telle conviction ne peut naître que par le commerce régulier et quasi amoureux avec un grand auteur du passé. Nous trouvons chez celui qui devient notre maître à penser les ressources qui permettent de grandir, puis d’apprendre à vivre notre vie d’adulte ; celles aussi qui nous aideront à vieillir et finalement, bien sûr, à mourir. Le jeune Descartes du Discours de la méthode espérait guérir l’humanité de « l’affaiblissement de la vieillesse » avant de devenir, avec l’âge, plus raisonnable : « […] Au lieu de trouver les moyens de conserver la vie, j’en ai trouvé un autre, bien plus aisé et plus sûr, qui est de ne pas craindre la mort. » Denis Moreau montre ici qu’on peut être excellent historien de la philosophie sans oublier d’être philosophe.

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