Ce bien qui fait mal à l'âme. La littérature comme expérience morale

Une recension de Catherine Portevin, publié le

« Comme une clarté trop vive », qui écrase les nuances et sidère le jugement, le bien ne fait pas, dit-on, de bonne littérature. S’il s’agit de peindre la condition humaine, le mal offre des ressources infiniment plus riches. Que faire alors du prince Mychkine, l’idiot christique de Fedor Dostoïevski, de Jean Valjean, le héros déchiré des Misérables de Victor Hugo, de Billy Budd, le trop beau matelot de Herman Melville, de « la bonté aveugle, insensée, nuisible » de la vieille femme dans Vie et Destin de Vassili Grossman ? Convaincu, comme Hannah Arendt, que « seul le bien est radical », Michel Terestchenko a osé se laisser saisir par l’évidence : « nul besoin de définir le bien pour le reconnaître quand il se manifeste », et pour cela, la littérature est plus profonde que la philosophie. Avançant au gré de ses lectures, comme autant de rencontres sensibles, il déroule une belle et simple pensée éthique, qui fait dialoguer Charles Dickens et John Stuart Mill, Fedor Dostoïevski et Jean-Jacques Rousseau, et, plus inédit, Herman Melville et Nicolas Machiavel. Sans rien ignorer des froideurs de la pitié émotionnelle (avec La Pitié dangereuse, de Stefan Zweig), ni des massacres perpétrés au nom du Bien (avec Vassili Grossman), il navigue entre le sublime et l’ordinaire de la bonté humaine. S’il existe une « littérature du bien », suggère-t-il, elle nous soigne et nous requiert, de même que la générosité de l’évêque Bienvenu oblige Jean Valjean et « lui fait mal à l’âme comme une clarté trop vive ».

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