Brève apologie pour un moment catholique

Une recension de Philippe Chevallier, publié le

Aux premiers siècles, l’apologie chrétienne s’adressait d’abord aux païens pour les convaincre. Renversant cette tradition, Jean-Luc Marion s’adresse ici aux siens, les catholiques, et plus précisément aux catholiques français. Que les deux conférences reproduites aient été prononcées devant des coreligionnaires explique et pardonne beaucoup. Dans une université de banlieue, on aurait sans doute plus de mal à affirmer que « les chrétiens fournissent à la société ses meilleurs citoyens ». Mais en famille, ça passe. Au risque d’une asymétrie de jugement : si la société contemporaine est impitoyablement jugée sur des faits, la communion catholique n’est dérangée par rien de ce monde, ni la baisse de la pratique religieuse, ni les errements de certaines de ses ouailles.

Figure d’exception par ce dont ils portent témoignage, les catholiques ont une mission particulière dans notre monde dit décadent – diagnostic qui, tel le sparadrap du capitaine Haddock, colle partout : transformer la communauté politique en communion d’amour. Tout se joue dans les cœurs, dans une très peu catholique distinction des ordres et un dédain du politique, « la couche la moins essentielle des choses et du monde ». Si l’on se sent souvent sur un nuage, on est à hauteur de chaire plus que de Ciel, là où le prédicateur se distingue par l’art des métaphores : « L’étonnant, la véritable surprise, tient à ce que l’Église tourne comme une machine à laver le linge sale. » Galilée ne l’a sans doute jamais dit, mais Marion, si : « Et pourtant elle tourne. »

Reste une mise au point bienvenue sur l’origine biblique de la séparation de l’Église et de l’État, dont Marion tire cette conclusion discutable : les catholiques intégristes menaçant la laïcité sont une invention du pouvoir. Certaines manifestations récentes, montées sur landaus fièrement poussés sur la voie publique, permettent d’en douter.

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