Années de guerre
Une recension de Ariane Nicolas, publié leSteppes jaunies de la toundra, gares comme des oasis, métropoles industrielles cerclées d’infinis sapins : cette Russie « immortelle » est le principal décor des Années de guerre de Vassili Grossman, collection d’articles parus pendant la Seconde Guerre mondiale dans L’Étoile rouge, le magazine de l’armée soviétique pour qui il fut correspondant de guerre.
Suivant la chronologie des combats, ces neuf textes relatent l’invasion de l’Ukraine, la bataille de Stalingrad, puis la progression de l’URSS vers l’Allemagne. Partout, « l’atmosphère est en folie » : la terre, le ciel, la Volga, tout rougeoie et part en cendres. Les Juifs sont assassinés par milliers, les Slaves brûlés vifs dans leurs isbas, les « Sibériens » en armes tombent en masse. « Il est courant d’appeler ça enfer. » Face à ce spectacle de mort, le sang-froid de l’écrivain impressionne. Sa sensibilité aussi : dans le regard apeuré d’un cheval ou le bleu d’un chardon fleurissant, il témoigne du tragique de la guerre, tout en capturant des étincelles de vie, parvenant malgré tout à la transfigurer. Ce matériau se retrouvera dans son grand œuvre Vie et Destin, qu’il commence à écrire peu après la fin du conflit.
Dans sa préface, Mathias Enard (prix Goncourt 2015) raconte le parcours étonnant de ce recueil d’articles, traduit anonymement en 1946, puis resté circonscrit aux bouquinistes. Il bénéficie donc, enfin, d’une large exposition. Ce qui étonne dans ces textes, c’est leur registre d’écriture, qui oscille entre journalisme, roman et propagande. Grossman était-il alors un stalinien convaincu ? En tout cas, l’admiration qu’il éprouve pour « la magnifique fraternité des prolétaires opprimés » ou leur « noble moralité » semble sincère (rappelons toutefois que Vie et Destin, achevé en 1962, est une charge violente contre le stalinisme, qui sera confisqué par le KGB et échappera de peu à la destruction).
Saisissant, le livre devient vraiment déchirant avec l’évocation de Treblinka. Grossman est l’un des premiers à avoir découvert le camp d’extermination : il en décrit le fonctionnement à l’aide de dizaines de témoignages. Et même dans ce travail d’historien, l’écrivain reprend le dessus : « On sema du lupin sur l’emplacement du camp, et un certain Streben s’y construisit une maisonnette. Aujourd’hui, elle n’existe plus : elle a été brûlée, elle aussi. »
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