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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Joe Biden et Emmanuel Macron lors d'une visite bilatérale au sommet du G7, le samedi 12 juin 2021, à Carbis Bay, au Royaume-Uni. © Patrick Semansky/AP/Sipa

Entretien

Yves Viltard : “L’affaire des sous-marins montre que la France est une petite puissance”

Yves Viltard, propos recueillis par Nicolas Gastineau publié le 22 septembre 2021 3 min

La récente décision de l’Australie de rompre le contrat conclu en 2016 avec la France en vue de l’achat de douze sous-marins à propulsion conventionnelle pour lui préférer l’offre américaine qui propose des engins à propulsion nucléaire a suscité la colère à Paris. Une réaction surjouée pour faire oublier que la France n’aurait qu’un modeste rôle à jouer dans la nouvelle guerre froide censée opposer les États-Unis et ses alliés anglo-saxons à la Chine ?

 

Est-il pertinent de recourir au registre de la morale (« mensonge », « trahison »…) lorsqu’on parle de relations entre États ?

Yves Viltard : Les relations internationales reposent sur un mythe initial, celui de l’unité de l’État. À l’étranger, l’État parle toujours d’une seule voix, la réaction de la France est toujours celle du président de la République, que ce soit directement ou, comme dans la crise actuelle, par la voix de son ministre des Affaires étrangères. La question de l’incarnation est très importante, ce qui peut expliquer le recours à des accusations personnelles, comme si certaines décisions étaient en fait des vices. Mais tout cela reste très théâtral. Pour être honnête, il me paraît incroyable et même inouï de déclarer que les Américains ont « trahi » la France. Cette part de comédie est là pour susciter, à l’intérieur de notre pays, un sentiment d’indignation – ce qui est objectivement réussi, puisque la réaction unanime de la classe politique française a été de se placer derrière Emmanuel Macron pour dénoncer les États-Unis. En réalité, l’amitié franco-américaine, essentielle au sein de l’Otan ou pour les opérations françaises au Sahel, n’est pas vraiment entamée par cet événement. 

 

Tout de même, l’Australie et les États-Unis sont des alliés de la France qui n’ont pas tenu leur parole. N’y a-t-il vraiment rien à leur reprocher ?

Dans l’histoire de la théorie des relations internationales, cette question a divisé deux écoles : les réalistes et les constructivistes. Les réalistes comme Hans Morgenthau considèrent que les rapports entre États sont, par essence, des rapports de puissance et d’intérêts qui rendent impraticable le recours à des notions comme la sincérité ou la confiance. L’histoire du monde est celle de la confrontation des grandes puissances qui se succèdent et se détrônent. Tout n’est que rapport de forces. Pour les constructivistes, comme Alexander Wendt, l’état du monde n’est que celui qu’en font les acteurs et on peut donc voir coexister des configurations réalistes avec des relations plus apaisées qui sont dites « lockéennes » (en référence au philosophe anglais John Locke), c’est-à-dire placées sous le signe du doux négoce et de la confiance. Pour les constructivistes, les relations économiques peuvent pacifier les rapports de pure puissance. 

“La France a échoué avec la vente des sous-marins, parce qu’elle a oublié qu’en diplomatie, l’autre est toujours un inconnu”
Yves Viltard

 

La crise australienne a donc donné raison aux réalistes contre le « doux commerce » espéré par les Français ?

Effectivement. Les théoriciens réalistes mettent le droit là où ça fait mal, à savoir qu’au bout du compte, on ne peut jamais anticiper ce que pense l’autre et on ne peut pas savoir ce qu’il compte faire, même dans un contexte d’alliance ou « d’amitié ». Pour les réalistes, l’autre est pour toujours un inconnu, a priori soupçonné de mauvaises intentions et la diplomatie est justement l’art de déjouer ses pièges. C’est là que la France a manifestement échoué avec la vente des sous-marins.

 

D’une manière générale, il ne faut donc pas se fier à la parole donnée par un chef d’État ou de gouvernement ?

Pas en toutes circonstances. La parole donnée par l’Australie à la France était liée à un moment bien précis, et ce cadre a été modifié par l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Donald Trump avait entamé un retrait des arènes multilatérales, avec notamment son slogan « America First ». Ce retrait avait permis à la France de se glisser dans l’interstice pour reprendre une forme de leadership laissé vacant. Joe Biden remet en cause cette ambition, on le voit bien avec l’alliance nouvelle conclue entre son pays, l’Australie et la Grande-Bretagne (« pacte Aukus »). De toute manière, d’un point de vue réaliste, la France ne peut pas ambitionner de devenir le protecteur de l’Australie, à moins de vouloir être la grenouille qui se prend pour un bœuf. Mettons que la Chine envahisse Taïwan, ce que les Américains redoutent, est-ce que l’Australie soutenue par la France fera la guerre à la Chine ? Ce que montre cette affaire, c’est surtout que la France est aujourd’hui une petite puissance.

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