Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Basilique de La Verna, en 2011 (cc) Christopher John SSF / Flickr

Reportage

Yannick Haenel, sur les traces de saint François d'Assise

Yannick Haenel publié le 04 juillet 2013 13 min

Peut-on embrasser, lorsqu’on est athée, l’expérience mystique ? Le romancier Yannick Haenel s’est rendu à La Verna, en Toscane, où saint François d’Assise s’est retiré pour vivre ses dernières années. Dans ce lieu minéral, il suit le chemin qui conduit un homme visité par le démon à trouver Dieu à travers la pauvreté et la solitude.

La montagne de La Verna, ce « dur rocher entre le Tibre et l’Arno », comme l’appelle Dante au chant XI du Paradis, se trouve dans la province d’Arezzo, à une centaine de kilomètres de Florence, au cœur de cette partie sauvage et escarpée de la Toscane qu’on nomme le Casentino.

Je traverse en voiture les petites routes de campagne, les vallons plantés d’oliviers et de cyprès. À la radio, on n’en finit plus de commenter le retour aux affaires de Berlusconi, sa semi-victoire après deux mois d’hystérie sans gouvernement. Quelqu’un dit que nous vivons une nouvelle époque : celle de la mort du politique ; et que la paralysie qui affecte l’Italie n’est qu’une métamorphose dans le cours ininterrompu de la corruption.

La route grimpe à travers la roche : on entre dans le Parc naturel forestier de La Verna ; de grands hêtres s’élèvent, tout devient abrupt, on sinue le long des falaises. Au volant, je répète à voix haute cette phrase que je viens d’entendre : « La politica italiana non é soltanto malata, é morta : é la morte viva » (« la politique italienne n’est pas seulement malade, elle est morte : c’est la mort en vie »).

Au sommet, à 1 128 mètres d’altitude, s’ouvre le sanctuaire : c’est la « montagne des Stigmates », comme l’annonce une pancarte. Je gare la voiture sur un petit parking, à l’entrée duquel se dresse une statue de François qui demande à un enfant de laisser s’envoler les tourterelles qu’il allait vendre. Juste en face, un type propose des souvenirs : statuettes de saint François, crucifix, missels ; il vend aussi des boissons et des sandwichs.

J’emprunte le chemin creusé dans la pierre, qui mène vers la solitude de l’ermitage. Ce chemin, ces grands hêtres, ces falaises, Ghirlandaio les a peints pour la chapelle Sassetti, à Florence. Tout en haut, encastrés au fil des siècles autour des lieux où saint François séjourna, il y a une basilique, un campanile, un couvent, une série de cloîtres, une petite église et de multiples chapelles qui forment un ensemble voué à la méditation.

Une grande place entourée d’un parapet en pierre donne à pic sur la vallée du Casentino ; à l’horizon se dessine la chaîne des Apennins qui approfondit le ciel. La lumière enveloppe les pierres, elle se soulève comme un rocher qui se tiendrait lui-même dans sa masse d’air. Le temps se déploie ici depuis des siècles de révélation tranquille, autour d’une grande croix en bois plantée dans le rocher.

Tandis que je me dirige vers la chapelle des Stigmates, les cloches retentissent, un chant s’élève, une dizaine de franciscains s’avancent en procession le long du corridor : ils sont revêtus d’une robe brun foncé, d’un capuchon, d’une ceinture de corde et de sandales ; leurs visages sont jeunes, certains sourient en observant les visiteurs qui s’écartent sur leur passage : le recueillement n’est pas le contraire de la joie.

Cette apparition des franciscains en plein après-midi fait basculer le temps : leur jeunesse est actuelle, et pourtant ils semblent venir de loin, comme si leur communauté n’appartenait pas à votre présent, mais à l’histoire de l’être – comme si, depuis le XIIIe siècle, ils ne cessaient de veiller sur une autre temporalité : ce mystère qui les accorde à la profondeur inapparente du sacré.

En poussant la porte des chapelles que les franciscains ont élevées sur chaque emplacement où leur fondateur a prié – chapelle des Oiseaux, chapelle de la Croix, chapelle Saint-Pierre d’Alcantara où François avait construit sa première cellule –, en découvrant peu à peu cette circulation de grottes, de rochers, d’oratoires et d’autels qui forment un mémorial et un parcours spirituel, on entre dans cette solitude franciscaine qui, en se dégageant des conditionnements de la société, fonde un espace libre pour l’arrivée du temps.

 

« Le calme ne relève pas seulement de l’interruption, il nous destine à une faveur dont la nature semble énigmatique »

Me voici convié, que je le veuille ou non, à partager cette « immense opulence inquestionnable », comme dit Rimbaud. Le calme ne relève pas seulement de l’interruption, il nous destine à une faveur dont la nature semble énigmatique. Qu’est-ce qui change un instant en séjour ? Qu’y a-t-il au cœur du libre ? Je passe d’une chapelle à une autre, je prends un escalier bas et étroit qui descend dans la roche, je me courbe pour entrer dans les petites cellules. Et voici de nouveau la lumière, toute la vallée s’ouvre : je me retrouve sur un rocher, à l’extérieur de l’ermitage, une balustrade protège du précipice.

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le beau
​Peut-on détester une œuvre comme « La Joconde » ? Les goûts et les couleurs, est-ce que ça se discute ? À travers cet Expresso, partez à la découverte du beau et du jugement du goût avec Kant.

​
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Dialogue
9 min
Pascal Quignard-Yannick Haenel. Conversation sur l’extase sexuelle
Alexandre Lacroix 15 février 2024

L’un vient de publier Compléments à la théorie sexuelle et sur l’amour, l’autre un essai sur le peintre Francis Bacon où il est beaucoup question…

Pascal Quignard-Yannick Haenel : comment définir l’essence du sexe

Article
5 min
Yannick Haenel : « Entrer dans le désemploi du temps »
Alexandre Lacroix 28 août 2012

Yannick Haenel, auteur de Jan Karski (Gallimard, prix Interallié 2009), explore ici les expériences limites et montre comment elles peuvent donner une autre forme à nos jours.


Article
8 min
Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022

Trésorier-payeur : sous ce titre énigmatique, l’écrivain Yannick Haenel offre une réflexion généreuse sur la dépense dans un dernier roman…

Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”

Bac philo
6 min
Corrigés du bac philo – filière générale : Antoine-Augustin Cournot, “Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique”
Frédéric Manzini 15 juin 2022

La science a-t-elle le monopole de la vérité ? Oui, à en croire le savant et épistémologue Antoine-Augustin Cournot, selon l’extrait qui a…

Corrigés du bac philo – filière générale : Claude Lévi-Strauss, “La Pensée sauvage”

Article
11 min
Le Ventre et la couronne
Cyrielle Ayakatsikas 21 novembre 2017

Rien de commun a priori entre le dernier roman de Yannick Haenel, récemment récompensé par le prix Médicis, et Falstaff, à l…

Le Ventre et la couronne

Article
8 min
L’intervalle
Yannick Haenel 21 septembre 2012

Une nouvelle inédite de Yannick Haenel. Codirecteur de la revue Ligne de risque, il a notamment publié Évoluer parmi les avalanches et Cercle (« L…

L’intervalle

Article
9 min
Lumières sur Fra Angelico
Yannick Haenel 23 juillet 2012

À l’occasion de l’exposition consacrée au maître florentin du Quattrocento, au musée Jacquemart-André, à Paris, le romancier et essayiste Yannick Haenel nous fait partager sa passion pour celui qui fut à l’origine d’un véritable…


Le fil
1 min
Yannick Haenel : “Être sobre, c’est acquiescer à des normes de servilité”
05 octobre 2022

« Trésorier-payeur » : sous ce titre énigmatique, l’écrivain Yannick Haenel offre une réflexion généreuse sur la dépense dans un dernier roman…

Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”

Article issu du magazine n°71 juillet 2013 Lire en ligne
À Lire aussi
La pauvreté en France ne faiblit pas
La pauvreté en France ne faiblit pas
Par Cédric Enjalbert
novembre 2016
Anna Mouglalis. Une chambre à soi
Anna Mouglalis. Une chambre à soi
Par Martin Legros
mars 2015
François Jullien, Yu Hua. De Mao aux J. O.
François Jullien, Yu Hua. De Mao aux J. O.
Par Alexandre Lacroix
août 2009
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Yannick Haenel, sur les traces de saint François d'Assise
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse