Vous aimez les chiens ?
« D’humeur chienne ! C’est ainsi que je qualifierais l’esprit du temps, qui met l’animal à l’honneur comme un acteur à part entière de notre espace public. Car, oui, j’ai vu des chiens partout ces derniers jours. Et non, je ne me prends pas pour Michel Drucker – “Vous aimez les chiens ?” Je m’explique.
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Messi, d’abord, le border collie, star du film multi-récompensé de Justine Triet Anatomie d’une chute. Déjà lauréat de la Palme Dog cannoise, il était sous le feu des projecteurs, lors du gala des nommés aux Oscars le 12 février, vu aux côtés d’Emma Stone et de Ryan Gosling, admiratifs de cette bête de scène capable mimer sa propre mort.
Volta, aussi, le chow-chow de Gabriel Attal. Son mignon compagnon a été le centre d’une brève polémique hexagonale, alors qu’un photographe a surpris sur les bancs de l’Assemblée nationale le Premier ministre montrant l’image du chiot à ses ministres, le 5 février, tandis qu’un député socialiste prenait la parole pour évoquer le sort des travailleurs. “J’ai toujours été passionné par les animaux, s’est justifié le maître. Et je pense que la manière dont la société les considère dit beaucoup de qui nous sommes.” Dont acte.
Mesa, ensuite. J’ai finalement été frappé par l’omniprésence des chiens sur le devant de la scène, en sortant cette semaine d’une pièce, jouée au Théâtre de l’Odéon (jusqu’au 17 mars). Adaptée d’un texte du romancier suédois Stig Dagerman, L’Enfant brûlé, elle retrace la vie consumée de Bengt, un jeune homme abîmé par la mort brutale de sa mère. L’adolescent venge l’injustice en déversant sa colère sur le monde. Le héros de ce drame familial, remarquablement interprété par Théo Oliveira Machado, tente de mettre au clair ce deuil à l’Œdipe mal résolu dans des lettres qu’il s’écrit à lui-même. Le spectacle souffre de longueurs (2h30 sans entracte) et d’une mise en scène trop illustrative, mais il retient l’intérêt grâce à la justesse du jeu des acteurs… au rang desquels il faut donc compter un chien : Mesa, qui traverse la scène comme une allégorie silencieuse des vicissitudes de l’existence. “Je suis las de vivre. Las de vivre ici dans le monde des petits chiens. Le monde des chiens aux petits sentiments, aux petits plaisirs, aux petites pensées”, affirme Bengt. “À celui qui se sent mal à l’aise dans le monde des petits chiens, l’unique ressource est de devenir un gros chien. Le seul avantage que l’on a à être un gros chien dans le monde des petits chiens, c’est que l’on n’a pas honte de mourir. Un gros chien n’échappe pourtant pas non plus à la honte de vivre, un gros chien encore moins que les autres.”
Miki, enfin. C’est le nom du chien qui joue lui aussi un rôle prépondérant dans Le Silence, présenté à la Comédie-Française (jusqu’au 10 mars). Cette pièce de Guillaume Poix et Lorraine de Sagazan, inspirée d’un scénario jamais tourné du réalisateur italien Michelangelo Antonioni, raconte l’histoire “de deux époux qui n’ont plus rien à se dire”, consignant “non pas leurs dialogues, mais leurs silences, leurs paroles silencieuses”.
“Luther (†), Ayrton, Barthes, Holy…” Ils figurent tous dans les remerciements de Chiens, un bref essai signé du philosophe Mark Alizart. Il explique le rôle que nous leur déléguons. Ce n’est pas seulement qu’ils forment avec nous un compagnonnage privilégié, ni que nous sommes devenus sensibles à leur intelligence animale. Nous leur attribuons aussi un regard, en décentrant le nôtre. “À considérer que le chien fût l’autre de cet ‘homme’ qui n’était pas encore présent à lui-même, ne faut-il pas dire que ce que le chien a fait de réellement décisif, que son mystère, c’est justement d’avoir inventé son maître ?”, se demande l’auteur. Selon lui, le chien possède “une authentique sagesse qui semble n’attendre que la parole pour s’exprimer”. Mais ce silence reste sa qualité, et la bêtise son atout. Observateur muet, à la fois témoin et juge compatissant, “le chien connaît notre honte, tel est son secret, voilà pourquoi il se tait. C’est sans doute pourquoi, parfois, nous pouvons lui en vouloir – lui en vouloir d’en savoir si long sur nous”. Le chien n’aboie pas, mais la caravane passe quand même ! »
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