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Diego Rodríguez de Silva y Velázquez (1599-1660), Vénus au miroir, vers 1647-1651. Huile sur toile, 122,5 x 177 cm Londres, the National Gallery © The National Gallery

Velázquez au Grand Palais: l’éclatante vérité du “peintre des peintres”

Cédric Enjalbert publié le 01 avril 2015 3 min
Exposé exceptionnellement du 25 mars au 13 juillet 2015 aux Galeries nationales du Grand Palais, Diego Velázquez fascine. Ses représentations de l’homme mettent en jeu des effets de miroir troublants, questionnant la place du sujet dans le monde.

« Le rapport du langage à la peinture est un rapport infini, écrit Michel Foucault dans Les Mots et les Choses à propos de Diego Velázquez (1599- 1660). Non pas que la parole soit imparfaite, et en face du visible dans un déficit qu’elle s’efforcerait en vain de rattraper. Ils sont irréductibles l’un à l’autre : on a beau dire ce qu’on voit, ce qu’on voit ne loge jamais dans ce qu’on dit, et on a beau faire voir, par des images, des métaphores, des comparaisons, ce qu’on est en train de dire, le lieu où elles resplendissent n’est pas celui que déploient les yeux, mais celui que définissent les successions de la syntaxe. »

De cet infini rapport entre la peinture et le discours qu'elle suscite, l’exposition consacrée au maître baroque du Siècle d’or espagnol, qui débute actuellement aux Galeries nationales du Grand Palais, en donne une rare et remarquable illustration, impossible à résumer. Rare, car la France ne possède que deux ou trois toiles du maître, si bien que monter une telle exposition avec les prêts qu’elle implique relève du casse-tête. Sur la grosse centaine de toiles répertoriée, une soixantaine se trouve au Prado, à Madrid. Parmi elles, quelques inamovibles chefs-d’œuvre qui ne figurent donc pas dans cette rétrospective, comme Les Ménines, sur lesquelles Michel Foucault a fixé son attention. Son analyse n’est cependant pas limitée à ce « monument » ibérique, car tout l’art de Velázquez est précisément d’instiller ce doute et cette étrangeté, dont la composition savante des Ménines témoigne, avec chaque tableau. Michel Foucault s’étonne : « Étrange façon d’appliquer au pied de la lettre, mais en le retournant, le conseil que le vieux Pachero avait donné, paraît-il, à son élève, lorsqu’il travaillait dans l’atelier de Séville : “L’image doit sortir du cadre.” »

« L’invisibilité profonde de ce qu’on voit est solidaire de l’invisibilité de celui qui voit malgré les miroirs, les reflets, les imitations, les portraits »

Michel Foucault

Dans ces instantanés « trop vrais », d’après le mot du pape Innocent X se reconnaissant sur un tableau commandé à Velázquez, passé à la postérité, les personnages comme surpris, ou pris sur le vif, tout à la fois apeurés et très proches, bondissent hors du cadre, tout en demeurant ancrés sur Terre par une « grâce réaliste », selon la formule du journaliste Philippe Lançon, dans un article remarquable. Rois, princes, papes, enfants, bouffons, philosophes, comédiens, soldats ou saints, dans ce monde étalonné à la seule mesure du pinceau virtuose de Velázquez, chacun a égale consistance et même importance : trop vraie, donc. Car celui dont Manet faisait le «peintre des peintres» est un voyant, capable de saisir avec vivacité l’épaisseur de la vie, de peindre un au-delà qui ne soit ni cosmique ni divin mais proprement humain et terrestre. Voyons par exemple ce Démocrite, que Velázquez a d’abord peint buveur, transformé ensuite en philosophe riant, regard vers le bas, tournant le dos au ciel des idées dans un geste antiplatonicien, pointant du doigt un globe terrestre, trouvant du vrai dans le simulacre et dans le reflet, dans la profondeur miroitante de la matière.


Diego Rodríguez de Silva y Velázquez (1599-1660), Portrait du pape Innocent X, 1650. Huile sur toile, 140 x 120 cm. Rome, Galleria Doria Pamphilj © Amministrazione Doria Pamphilj srl

Cette réflexion, à la fois refléchissante et réflexive, interrogeant la place du spectateur, renvoie à la préoccupation philosophique majeure de la Renaissance puis du Siècle d’or : la représentation nouvelle de l’homme comme sujet, et sujet de lui-même. Quel est le sujet, qui voit et qui est vu, se voyant étant vu ? Velázquez n’apporte heureusement aucune réponse, que du mystère. En témoigne magnifiquement une des œuvres phare de l’exposition, La Toilette de Vénus ou Vénus au miroir, peinte autour des années 1650, qui figure un fascinant nu de dos se mirant dans un miroir, ou encore ces deux autoportraits de Velázquez se faisant face, comme dialoguant dans la dernière pièce de l'exposition, dans un infini rapport du peintre à lui-même, enserrant le spectateur dans son attraction hypnotique, vérifiant à nouveau l’intuition de Michel Foucault à propos des Ménines: « Peut-être en ce tableau, comme en toute représentation dont il est pour ainsi dire l’essence manifestée, l’invisibilité profonde de ce qu’on voit est solidaire de l’invisibilité de celui qui voit malgré les miroirs, les reflets, les imitations, les portraits. »
 

Informations
Exposition Velázquez
Du 25 mars au 13 juillet 2015 aux Galeries nationales du Grand Palais
 
Commissaire : Guillaume Kientz, conservateur au département des peintures du musée du Louvre.
Scénographie : Atelier Maciej Fiszer

 

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