Une colère mondialisée
De Washington à Budapest en passant par Rome, la défiance à l’encontre des classes dirigeantes se traduit par l’émergence des populismes. Un mouvement planétaire ? Tour d’horizon.
États-Unis / Roger Berkowitz. « Nous sommes face à deux mouvements proto-totalitaires »
« L’élite mise en cause aux États-Unis, notamment par Trump, n’est pas tant l’élite économique ou culturelle que l’élite dirigeante, soit ceux qui détiennent des mandats officiels et se voient comme des spécialistes de la “résolution des problèmes”. C’est avec l’élection de Kennedy, en 1960, qu’elle s’est mise en place : issu d’une grande famille, Kennedy avait fait ses études à Harvard, où il avait recruté une grande partie de son administration, et, dans un discours célèbre à Yale, il affirma que l’âge de l’idéologie était fini et qu’il s’agissait dorénavant de “manager” la société technocratiquement en recourant à des experts soucieux de réaliser le bien-être collectif. Cela a marché… du moins pour 40 % de la population, ces classes moyennes et supérieures qui regardent CNN, sont éduquées et en lien avec l’élite managériale. Mais une autre frange de la société a été laissée de côté, économiquement mais aussi culturellement. Avec le temps, ils en sont venus à être méprisés, considérés comme bêtes, arriérés, racistes et xénophobes. Et ce mépris a engendré du ressentiment. Pour eux, l’élite est corrompue, écrase la population à coups de régulations tatillonnes, ouvre les frontières à l’immigration et se soucie plus du monde que de la grandeur américaine. Prenons la xénophobie. Cela fait trente ans que les sondages indiquent que plus de 60 % de la population considère que nous laissons entrer trop d’immigrés. Malgré cela, nous en laissons entrer davantage. Et nous nous proclamons une démocratie ? Personnellement, je pense que l’immigration est un facteur positif, mais on ne peut pas continuer à accueillir sans expliquer pourquoi. À défaut, le peuple pense que vous l’ignorez et que les raisons d’autoriser l’immigration ne sont pas légitimes. Or la critique de l’immigration ne vient pas que de la droite raciste, c’est aussi un argument de gauche : l’immigration fait entrer dans le pays des travailleurs pauvres qui acceptent des salaires très bas, ce qui tend à “dégrader” les salaires de la classe ouvrière. Voilà un argument sérieux, non xénophobe, qui mériterait d’être pris en compte. L’élite considère également que le nationalisme est rétrograde et que seul le cosmopolitisme a droit de cité. Or l’appartenance à une communauté est l’une des aspirations fondamentales de l’être humain. Mais il y a un mépris pour ce besoin dans l’élite dirigeante qui n’a rien fait pour entretenir un sens positif de l’appartenance nationale. De cela également, Trump a tiré profit très cyniquement. Beaucoup de gens ne l’aiment pas, mais ils sont prêts à oublier ses mauvais côtés pour obtenir de lui qu’il remette à sa place cette élite arrogante. Le rejet des élites constitue un “mouvement” au sens de Hannah Arendt : il relie des gens désaffectés, en colère, qui préfèrent l’identité que leur procure l’appartenance à un groupe plutôt que d’affronter la complexité du réel. Mais cela vaut également pour l’élite dirigeante qui en est venue à préférer ses vérités au désordre factuel du monde. Nous sommes face à deux mouvements proto-totalitaires. Mais cette confrontation peut aboutir à une renaissance de la démocratie plutôt qu’à une nouvelle guerre civile. »
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