Trois façons de goûter l’attente, par Sandrine Alexandre
Le néolibéralisme affirme que toute attente doit être comblée. Il y a pourtant des vertus à laisser le temps filer. Et grâce à elles, peut-être, changer le monde.
Rappelez-vous votre dernière journée au bureau. Elle est déjà si loin… Et ces vacances tant attendues sont déjà entamées. Ne serait-ce qu’à peine, c’est déjà un peu moins de temps de baignades, de promenades, de rêveries, de fêtes, de lectures. Ou de farniente. Et puis ces vacances qui débutent commencent finalement par des embouteillages interminables, des engorgements en gare ou au comptoir d’embarquement. Et par des altercations, des mots, des agacements… Ce n’est pas seulement la durée des vacances qui est affectée, c’est aussi leur plénitude sereine et l’idée que l’on se fait – ou plutôt que l’on se faisait – des vacances. Pendant cette dernière journée de labeur, tous les espoirs étaient permis, les vacances étaient intactes. Si j’avais su… j’en aurais profité. Et l’on se plaît à regretter ce petit temps qui précède immédiatement ce que l’on avait alors tant hâte de voir arriver au plus vite. Qui a dit qu’attendre était la pire des choses
Dans l’attente, tout est encore possible, tout est encore neuf. Je suis maître de mes plaisirs et roi de mes chagrins. Au point qu’on en vient parfois à préférer ce temps d’avant. « On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère », nous rappelle Rousseau, qui nous engagerait presque à différer sans cesse le moment de la satisfaction.
Savourer l’attente aurait dès lors quelque chose d’un échappement hors – ou plutôt en amont – d’une réalité définitivement décriée, si fade, si décevante. Le plaisir d’attendre aurait quelque chose de la réclusion frileuse, et le goût de ce que Nietzsche appelle des « arrière-mondes ». Ce que l’on goûte finalement dans l’intensité de ce plaisir d’attendre, c’est soi-même et les mille nuances d’un désir que l’on fait varier à sa guise.
Faut-il alors renoncer sans autre forme de procès à savourer l’attente, ou du moins se méfier d’un plaisir finalement assez triste Ou bien convoquer – en attendant que l’eau de la baignade se réchauffe un peu et pour en profiter mieux encore tout à l’heure – d’autres manières d’attendre et d’autres manières de savourer l’attente qui conduiraient -plutôt à de nouvelles noces avec le réel Attendre et ne rien faire – c’est-à-dire ne pas intervenir, ne pas hâter le cours des choses ou vouloir qu’elles aillent plus vite – a parfois des vertus insoupçonnées.
C’est au Kirghizistan, au cœur de l’Asie centrale, que le philosophe Baptiste Morizot est parti pister la panthère des neiges, “fantôme des…
Dans son nouvel essai Apprendre à faire l’amour (Allary Éditions, 2022), le philosophe, écrivain et directeur de la rédaction de Philosophie…
De Simone Weil à Heidegger, c’est au début du siècle dernier que l’attente est devenue philosophique.
Le philosophe Alexandre Matheron est mort le 7 janvier 2020. Spécialiste de Spinoza, il en a renouvelé la lecture de façon pérenne, en inspirant…
Le bonheur est un état de satisfaction durable et complet. Il ne se réduit donc pas au plaisir qui est toujours bref et partiel. Mais si chacun connaît des moments de plaisir, tous n’atteignent pas le bonheur. D’autant qu’être heureux…
En pleine campagne présidentielle, nous avons proposé au candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon de dialoguer avec le philosophe…
Chez le sociologue allemand Hartmut Rosa, la « résonance » est un concept censé agir comme un antidote à l’accélération du monde, qui…