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Marx revisité

“Thanatocapitalisme”, de Byung-Chul Han : mortelle économie

Antony Chanthanakone publié le 27 octobre 2021 4 min

Le capitalisme veut-il la mort des humains ? C’est ce que suggère Thanatocapitalisme (PUF, 2021), de Byung-Chul Han, philosophe et professeur à l’université des arts de Berlin. Ce livre est un recueil d’entretiens et de courts essais autour d’une critique du capitalisme et du néolibéralisme : à travers l’étude des petits signes de notre temps (le « dataïsme », à savoir l’omniprésence des data, la scarification, les photos de personnes sautant en l’air, l’accueil des réfugiés ou notre rapport au temps), il déploie une philosophie critique de la modernité au prisme de la notion freudienne de « pulsion de mort ». Le capitalisme se servirait de notre pulsion de mort pour la rediriger vers la consommation. En creux, se dessine un monde vide de sens pour l’homme… Même si Byung-Chul Han continue de défendre un humanisme hérité de la philosophie des Lumières.

 

Le “thanatocapitalisme” ou l’alliance de Marx et de Freud

Comme dans un kaléidoscope, les idées de ce livre se déclinent autour d’un concept : le « thanatocapitalisme ». Ce néologisme est forgé à partir du nom de Thanatos (Θάνατος), qui désigne le dieu de la mort dans la mythologie grecque et, dans la psychanalyse, la « pulsion de mort », présente inconsciemment en chacun de nous. Dans Au-delà du principe de plaisir (1920) et Malaise dans la civilisation, Sigmund Freud le définit comme une aspiration au repos absolu dans l’inorganique, c’est-à-dire dans le néant qui aurait précédé la vie. Ce terme comprend aussi les tendances à l’anéantissement d’autrui et de soi. Byung-Chul Han, à qui l’on doit La Société de la fatigue (Circé, 2014), poursuit sa critique du capitalisme en livrant une interprétation originale de cette pulsion de mort. Alors que chez Freud, la pulsion de mort est une « stratégie » de destruction, le philosophe allemand en fait « une stratégie inconsciente pour refouler la mort ». Celui qui a été métallurgiste avant de se tourner vers la philosophie fait ainsi de la pulsion de mort le ressort du capitalisme, dans la mesure où elle conduit à se rediriger vers l’accumulation des biens estompant, en retour, peu à peu, la mort elle-même. En clair, « plus de capital, cela signifie moins de mort ». Bien que l’analyse soit d’inspiration marxiste – puisqu’il s’agit de déceler les modes d’aliénation de notre système capitaliste –, le fond de l’être du capitalisme est pour Han d’ordre purement psychanalytique : la mort (et sa stratégie d’évitement) est le feu ultime qui alimente notre système de production actuel.

 

L’altérité altérée

Chez Han, la mort est à la fois cause et conséquence. La « pulsion de mort » conduit à une certaine disparition de l’être humain. L’un des symptômes de cette mort de l’humain moderne tient à la confusion identitaire de ce dernier, pétri de paradoxes. Pour le penseur allemand, qui a quitté la Corée du Sud pour se doter d’une « nouvelle âme » en Allemagne, comme il nous le racontait récemment, « c’est précisément face à la violence d’une mondialisation qui uniformise tout que s’éveille le vif désir d’une identité ». La mondialisation, portée par un capitalisme débridé, conduirait à une uniformisation des comportements et des pratiques culturelles. L’homme perdrait toute sa singularité. Mais, en retour cette uniformisation conduirait à un réveil plus que tonique de la question identitaire, comme le corrobore la montée en flèche des mouvements d’extrême droite. Ce réveil identitaire est donc analysé comme une réaction aux effets du capitalisme. Or, comment jouir des effets de la différence si le monde est uniforme ? En guise d’exemple, Byung-Chul Han rappelle qu’Emmanuel Macron a découvert Baudelaire par le biais de Walter Benjamin : « Il a donc fallu qu’un Allemand, un Juif allemand, fasse lire Baudelaire au Français. L’étranger déchiffre pour lui ce qui lui est propre. » Pour le professeur allemand, la « négativité » induite par la présence d’autrui est le truchement par lequel on peut véritablement se révéler à soi. 

 

Un cercle sans fin ?

Puisque nous sommes perdus dans les affres d’un capitalisme qui puise au plus profond de notre condition humaine, une question se pose : comment résister pour sortir de ce cercle infernal ? Si le diagnostic de Byung-Chul Han est d’inspiration freudo-marxiste, ce dernier n’en tire pas les mêmes conclusions que l’auteur du Capital : « Aucune révolution n’est possible », proclame-t-il. Le néolibéralisme est tel qu’il fait porter tout échec sur les individus et non le système lui-même : « On problématise sa propre personne et non la société », écrit-il. De là, aucun réseau de résistance ne peut s’édifier avec vigueur. Le livre transpire une forme d’impuissance. À une utopie du futur qu’il juge irréaliste, Byung Chul-Han propose donc à l’être humain une éthique du présent articulée à la question de l’altérité. L’auteur du Désir. L’enfer de l’identique (Autrement, 2012) appelle à renouer avec la « négativité » de l’autre et à faire du désir véritable, Éros, le ciment de toute relation intersubjective. Pour lui, par rapport à la mort que nous offre le capitalisme moderne, l’amour est la seule issue raisonnable … Éros contre Thanatos, voilà le vrai combat de notre temps !

 

Thanatocapitalisme, de Byung-Chul Han, vient de paraître aux Presses universitaires de France. 192 p., 14€ en édition physique, 10,99€ en format numérique, disponible ici.

Pour aller plus loin : pourquoi personne ne veut plus ressembler aux autres ?
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