Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Syaman Rapongan en 2017 © Kun Yung Wu

Syaman Rapongan. Travailleur de la mer

Kun Yung Wu publié le 22 août 2017 8 min

C’est sur une petite île du Pacifique, au large de Taïwan, que nous avons rencontré cet homme étonnant. Pêcheur, anthropologue et écrivain, il puise dans les légendes et les valeurs de son peuple, les Tao, de quoi faire résonner ce qu’il y a d’universel dans la nature.

« Pour parvenir à s’accepter dans les autres, […] il faut d’abord se refuser à soi », écrivait Claude Lévi-Strauss. Cette formule s’applique parfaitement à Syaman Rapongan, écrivain anthropologue originaire de Lanyu, île de 45 kilomètres carrés, au sud de Taïwan. Né en 1957, Rapongan appartient à l’ethnie tao dont les quelques milliers de membres peuplent cette terre intégrée à Taïwan par les Japonais au XIXe siècle et soumise en 1945 au contrôle de la République de Chine, bien décidée à la « civiliser » en y apportant la modernité… et les déchets nucléaires de la compagnie Taipower.

Élevé parmi ce peuple dont la vie et les valeurs tournent autour de l’Océan, Rapongan a tôt ressenti un besoin d’évasion qui l’a conduit à Taïwan pour ses études. Mais après vingt années, il a été comme rappelé par le monde de l’Océan pour redevenir pêcheur. Et sauver de la disparition, grâce à l’écriture et par le détour de cette langue chinoise qui lui était étrangère, la culture tao dont il a peu à peu découvert qu’elle n’était pas une identité close, mais une sorte d’archipel cosmopolite et écologique. Syaman Rapongan nous reçoit dans une hutte qu’il a bâtie sur les hauteurs de son village – espace d’écriture qui contient des photos d’archives ethnologiques et des livres d’anthropologie, mais où il fait aussi sécher ses poissons et où il est en train de fabriquer une pirogue en bois peint. « Je suis né dans une famille de pêcheurs. Toute notre vie tournait autour des poissons volants. Devenir un Tao, me disait mon père et mon grand-père, c’est aller dans la forêt et trouver l’arbre avec lequel construire son bateau. C’est savoir naviguer la nuit en s’orientant avec la Lune et les étoiles. C’est ramener avec les poissons que l’on a réussi à capturer l’énergie vitale dont sont porteurs les esprits de l’Océan. » Dans ce monde, tous les rapports humains sont médiatisés par les relations avec la mer : entre hommes et femmes, entre parents et enfants, il est toujours question des esprits de l’Océan.

 

Savoir nager entre deux cultures

À l’âge de 10 ans, alors que son grand-père l’a déjà initié aux mythes tao, il rejoint l’école obligatoire en chinois. « On nous enseignait la langue chinoise, mais aussi les héros et le calendrier de l’histoire chinoise. Or nous vivions dans un autre temps. Avec mes camarades, nous chahutions l’instituteur dépêché par le gouvernement de Taïwan : “Vos héros ne savent pas nager, ils sont petits et ils ont de petits yeux bridés, alors que nous, on a de grands yeux et qu’on sait nager.” » Pendant ce temps, son père le met en contact avec les savoir-faire nécessaires à un « homme-Tao » – concept phare de sa culture. Chez les peuples « premiers » – Lévi-Strauss attirait déjà l’attention sur ce point –, les ethnies se désignent du nom qui signifie « les hommes », comme si les frontières de l’humanité se confondaient avec celles de la communauté. Mais ce concept veut aussi dire « les bons », « les excellents », « les complets ». Ainsi, sur celle que l’on surnomme l’« île aux Orchidées », Tao veut dire « peuple de l’île » et « humain ». Mais pour être un Tao « accompli », il faut apprendre comment se comporter dans une forêt – où les arbres appartiennent à telle ou telle famille mais où la terre est commune –, comment interpréter les marées, comment reconnaître les poissons pour les femmes et les poissons pour les hommes. « “Quitte l’école ! Viens plonger et pêcher. Nous t’apprendrons ce que tu dois savoir. Le but de la vie, c’est que l’Océan se souvienne de toi !” me disaient mon père et mon grand-père. Ébloui par ce savoir vivant, j’étais très tenté de les suivre. »

Expresso : les parcours interactifs
Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Comment expliquer nos choix amoureux ? Faut-il se fier au proverbe « qui se ressemble, s'assemble », ou doit-on estimer à l'inverse que « les opposés s'attirent » ? La sociologie de Bourdieu et la philosophie de Jankélévitch nous éclairent.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
9 min
Frédéric Keck : “Nous n’avons pas l’imaginaire pour comprendre ce qui nous arrive”
Catherine Portevin 21 mars 2020

L’anthropologue Frédéric Keck est à sa manière un pisteur de virus. Fort de son expérience en Asie, il observe les “maladies de la mondialisation”…

Frédéric Keck : “Nous n’avons pas l’imaginaire pour comprendre ce qui nous arrive”

Article
5 min
Chauves-souris : sauve qui peut !
Ariane Nicolas 02 avril 2021

La pandémie de Covid a mis en lumière le rôle que peuvent jouer les chauves-souris dans la transmission d’un virus. Bien que leur responsabilité…

Chauves-souris : sauve qui peut !

Article
4 min
Stoïcisme et taoïsme
Octave Larmagnac-Matheron 19 février 2023

Beaucoup de choses apparentent le taoïsme au stoïcisme. Seul les distingue le rapport, décisif, à l’individualité. Là où les stoïciens visent à l’appropriation de soi par l’exercice de la raison, le taoïsme tend à la dépossession de soi…


Article
4 min
Taïwan : l’ambiguïté peut-elle vraiment être une stratégie ?
Batiste Morisson 03 octobre 2022

Alors que le président américain, Joe Biden, a semblé remettre en question la stratégie dite « de l’ambiguité » adoptée depuis plusieurs…

Taïwan : l’ambiguïté peut-elle vraiment être une stratégie ?

Bac philo
3 min
La nature
Nicolas Tenaillon 18 mai 2022

Opposée à la culture, la nature (mot issu du latin nascor : naître) est une notion fortement équivoque qui décrit à la fois un processus et un résultat, l’essence des choses et le monde qui les entoure (appelé alors : Nature,…


Le fil
3 min
“Signaux d’alerte”, de Frédéric Keck
Hannah Attar 17 novembre 2020

Rédigé durant la première vague du coronavirus en France et publié pendant la deuxième, le dernier ouvrage de Frédéric Keck aurait pu être un livre de…

“Signaux d’alerte”, de Frédéric Keck

Le fil
6 min
Frédéric Keck : “Pour Xi Jinping, le monde est voué à se recentrer autour de la Chine”
Samuel Lacroix 19 octobre 2022

Lors du 20e congrès du Parti communiste chinois, Xi Jinping a affirmé l’ambition de « créer une nouvelle civilisation humaine » tout en ré-assumant…

Frédéric Keck : “Pour Xi Jinping, le monde est voué à se recentrer autour de la Chine”

Article
7 min
Les plus beaux textes philosophiques sur la mer et l’océan
Octave Larmagnac-Matheron 29 juillet 2022

Il y a fort à parier que lorsque les premiers Sapiens ont embarqué sur des radeaux de fortune pour coloniser les continents et les îles lointaines…

Les plus beaux textes philosophiques sur la mer et l’océan

Article issu du magazine n°112 août 2017 Lire en ligne
À Lire aussi
Shi Tao et François Cheng. Le souffle du pinceau
Par Barbara Bohac
septembre 2012
Le Tao, vivre est un art
Par Alexis Lavis
août 2012
Travailleurs de la “deuxième ligne” : de Marx à Platon
Travailleurs de la “deuxième ligne” : de Marx à Platon
Par Denis Maillard
novembre 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Syaman Rapongan. Travailleur de la mer
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse