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Situation Rooms Photo: RUHRTRIENNALE/J. BAUMANN

Théâtre

Stefan Kaegi: “Identifions des ouvertures, des fenêtres de visée pour l’action”

Cédric Enjalbert publié le 09 février 2015 6 min
Avec “Situation Rooms”, le collectif Rimini Protokoll explore l'univers du trafic d'armes et les terrains de guerre donnant à appréhender une “hyper-réalité”. Un spectacle interactif et déambulatoire remarquable à expérimenter jusqu'au 14 février au Théâtre des Amandiers, à Nanterre.

Qu’est-ce que Situation Rooms ?

Stefan Kaegi: La situation room est la pièce stratégique de la Maison Blanche, depuis laquelle a été mené le commandement qui a mené à la mort de Ben Laden. Une photo célèbre reste dans la mémoire collective : celle de Barack Obama entouré de ses collaborateurs, devant leurs écrans de contrôle. Ce cliché procure le sentiment que, depuis ces hautes sphères, le monde demeure sous contrôle, qu’il est possible d’avoir la main sur toutes les situations. C’est une illusion.

 

Une illusion, pourquoi ?

Il n’y a plus de point du vue univoque possible sur le monde, lequel est devenu trop complexe pour s’accommoder d’une compréhension claire ou simpliste. S’agissant du trafic d’armes, dont nous traitons dans Situation Rooms, les protagonistes impliqués dans ce marché sont infinis. Par ailleurs, chaque pays choisit ses critères d’exportation, en Allemagne et en France notamment, et ce sans que l’ONU ou une organisation internationale y mette le nez.

 

D’où un «s» à «rooms» ?

Oui. Nous voulions donner un aperçu des différentes positions et des différents acteurs engagés dans ce jeu là. Du trafic d’armes, on parle peu. Et pratiquement jamais globalement, car il est quasiment impossible d’avoir une vision panoramique de ce commerce. En multipliant perspectives, à partir d’autant de pièces et de visions, le projet développé par Rimini Protokoll s’y essaie.

 

Pourquoi traiter du trafic d’armes ?

Le projet au départ est très formel. Nous commencions à développer avec le projet Outdoor un procédé vidéo incluant plusieurs « joueurs », soit une alliance technologique entre le jeu vidéo, le théâtre documentaire, le spectacle déambulatoire et l’exploration de ce qui apparaît comme une réalité augmentée. Concrètement, chaque participant armé d’un iPad incarne des « rôles » dans une installation prédéterminée. Nous cherchions à rompre la distance établie habituellement au théâtre entre le public et la plateau. Nous voulions traiter d’un sujet d’une façon qui ne soit ni celle de la télé, ni celle du cinéma, univoques. Nous pensions que la construction d’un bâtiment, d’une installation, nous aiderait à avoir en un lieu où puissent se croiser une multitude de points de vue, sur une situation « globale ». Le sujet du trafic d’armes par son importance et sa présence tout autour du monde, rapporté à la discrétion qui l'entoure, s'est imposé.

 

Vous troquez parfois la notion de « réalité augmentée » pour « hyperréalité ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Situation Rooms ne relève en fait pas de la réalité augmentée : tout est écrit, le scénario est établi. Des enregistrements guident le spectateur. Le procédé est très ancien, ce sont des films. En revanche, ce complexe ouvre, en réunissant un ensemble de lieux et de pièces répartis habituellement aux quatre coins du monde et entre lesquels nous passons ici en franchissant une porte, de larges possibilités d’interaction.

Disons que l’hyperréalité serait une réalité concentrée en un lieu très restreint, permettant d’appréhender un pan du monde dont nous aurions pu tout ignorer, même en faisant le tour du monde, tant il demeure caché ou éclaté.

 

Vous imaginez vingt parcours pour vingt protagonistes…

Non, les protagonistes n’ont rien d’imaginaires ! Les vingt textes dits au cours des soixante-dix minutes de « déambulation » sont des textes réels, d’acteurs réels, que nous avons réellement interrogé. Le travail d’entretien a duré un an.

 

Qui avez-vous rencontré ?

Nos rencontres ont été un mélange de rencontres arbitraires et de rencontres recherchées, dans toutes les régions du monde. Il a été facile de trouver des acteurs dans des organisations internationales, très prompts à parler : un pacifiste, un politicien, un militant d’Amnesty International. La volonté ne manquait pas. En Inde non plus, où les dirigeants et les militaires sont fiers de posséder la bombe atomique...

En revanche, entendre des membres de l’industrie de l’armement, a été plus compliqué, notamment en Allemagne où le souvenir de la Seconde Guerre mondiale impose la retenue. Nous sommes parvenu à interroger un latino-américain appartenant au cartel de Juarez même si c’était assez dangereux. Son identité est tue, par sécurité.

Tous se sont filmés durant un parcours de sept minutes en mars 2013 à Berlin, dans les conditions exactes qu’empruntent ensuite les spectateurs. Ils manquent des protagonistes : la Chine, par exemple. Mais le travail sur ce sujet est infini. Ce ne sont que vingt extraits de vie que nous mettons en interaction.

 

Interaction : le mot revient souvent.

Oui. Il est essentiel de la démarche suivie par Rimini Protokoll, et raccord avec la transformation de la société où les situations d’information à sens unique disparaissent. Les réseaux dans lesquels elle est prise sont interactifs.

Dans Situation Rooms, les spectateurs interagissent avec d’autres qu’ils ne connaissent pas. Cette situation à affaire avec cette idée que les soldats doivent agir sans savoir pourquoi ni avec qui ou face à quel ennemi.

Avec « interaction », « viser » est un second terme essentiel. La question de l’orientation renvoie très directement au rapport entre penser et se mouvoir.

 

Dans la démarche de Rimini Protokoll, où commence et où finit le théâtre ?

« Jouer » le théâtre est un mot intéressant. Il a beaucoup été utilisé dans les derniers deux cents ans pour signifier une forme de représentation où des acteurs très doués, très vertueux, agitent leurs corps et proférent des mots selon une formule très définie, enseignée par des professeurs depuis des années. C’est de l’art appliqué plutôt que de l’art. Jouer sous-entend une plus grande interactivité. Cette participation est un exercice de démocratie.

 

Multiplier les points de vue, est-ce encore tenir un discours ?

Le philosophe allemand d’origine coréenne Byung-Chul Han, que j’ai entendu récemment lors d’une conférence remarquable, a rapporté cette anecdote : ses étudiants dépressifs, disait-il, sont exaspérés par les positions cynique ou pessimistes adoptées sur et par la société. Ils se disent devoir trouver des solutions. Mais Byung-Chul Han leur répond : ne cherchons pas de solution, la recherche active des solutions produit des problèmes. Il met en garde contre la « surcharge de positivité ». Identifions plutôt des ouvertures, des fenêtres de visée pour l’action.

Les vingt positions proposées dans Situation Rooms, sont autant d’ouvertures, en ce sens. Elles offrent des perspectives subjectives, probablement pour la plupart moralement défendables, compréhensibles et cohérentes.

Au spectateur ensuite d’explorer plus amplement celles qui lui conviennent. Notre travail n’est pas d’émette un message clair ou simpliste en direction d’un récepteur. Disons que le théâtre n’est pas un porte-voix mais qu’il fait plutôt office de piédestal ou, mieux, d’encadrement à une situation.

 

Quels sont vos projets ?

Nous répétons une pièce sur le réseau européen. Nous jouerons ce qui se discute dans le Parlement, en appartement, dans des milliers de foyers en Europe. Seule condition : avoir suffisamment de place pour accueillir quinze personnes autour d’une ou deux tables.

Le spectacle Remote sera présenté à Paris, dans le cadre du festival Quartiers d’été 2015. Nous inaugurons un espace dans lequel nous présenterons une série de quatre expositions, à Berlin. Un projet de livre, enfin, est en cours sur l’idée de l’expert et de cette fameuse « interaction ». 

Informations
Situation rooms 
Conception du collectif: Rimini Protokoll
Spectacle créé par: Helgard Haug, Stefan Kaegi, Daniel Wetzel
 
Spectacle déambulatoire pour vingt spectateurs
Avec la participation de: Abu Abdu Al Homssi (Syrie), Alberto (Mexique), Shahzad Akbar (Pakistan), Jan van Aken (Allemagne), Narendra Divekar (Inde), Nathan Fain (États-Unis), Reto Hürlimann (Suisse), Maurizio Gambarini (Allemagne), Andreas Geikowski (Allemagne), Marcel Gloor (Suisse), Barbara Happe (Allemagne), Volker Herzog (Allemagne), Richard Khamis (Soudan du Sud), Wolfgang Ohlert (Allemagne), Irina Panibratowa (Russie), Ulrich Pfaff (Allemagne), Emmanuel Thaunay (France), Amir Yagel (Israël), Yaoundé Mulamba Nkita (République démocratique du Congo), Famille R (Libye)
Et la participation de: Christoper Dell, Alexander Lurz, Karen Admiraal
Scénographie: Dominic Huber
Vidéo: Chris Kondek
Son: Frank Böhle
Lumières: Sven Nichterlein
Bande sonore française traduction et adaptation: Yves Lecordier
Direction artistique: Brigitte Lecordier
 
Durée: 1h30
Le spectacle a été créé le 23 août 2013 dans le cadre de la Ruhrtriennale à Bochum (Allemagne) et présenté à la Grande Halle de la Villette en 2014.
 
Nanterre-Amandiers. Centre dramatique national
7, avenue Pablo-Picasso - 92022 Nanterre Cedex
Du 24 janvier au 15 février 2015 du mardi au dimanche

 

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