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Pierre Zaoui en 2019. © Franck Ferville/Agence Vu pour PM

Spinoza et la joie

Pierre Zaoui publié le 27 septembre 2012 8 min

Comment se réjouir dans un monde ravagé par les crises – crise économique durable qui promet à notre jeunesse des formes de vie précaire de plus en plus invivables ; crise écologique qui promet des lendemains d’apocalypse ; crise morale et politique qui promet des démocraties de plus en formelles et inégalitaires ?

 

La réponse paraît évidente, et c’est pourquoi il y a quelque chose d’insupportable dans les appels incessants à la joie des bonimenteurs de la télévision ou des nouveaux prêtres du bien-être individuel, croyants ou athées. On aimerait leur répondre qu’il s’agit là d’une joie de carton-pâte qui donne bien davantage envie de mourir que de vivre. Voire, dans la langue fleurie de la Zazie de Queneau : « Carpe diem, mon cul ! » Ces cultes de la joie se paient toujours au prix de la bêtise ou d’un aveuglement volontaire, tels ces aristocrates de 1793 qui dansaient encore en attendant la charrette qui les mènerait à l’échafaud. Mais c’est aussi pourquoi Spinoza est aujourd’hui si précieux. Car sa philosophie de la joie n’est en rien un déni des tristesses actuelles, une philosophie du bien-être égoïste ou du souci de soi égotiste. C’est une philosophie de la joie dure, âpre, rudement conquise par la raison et par le corps sur le constat lucide de nos servitudes. Le contraire d’un déni, d’un repli, d’une indifférence ou d’une foi.

Spinoza en six dates

  • 1632 Le 24 novembre, il naît à Amsterdam dans une famille juive d’origine portugaise. 
  • 1656 Exclu par le herem ; il vivra par la suite dans plusieurs localités hollandaises. 
  • 1663 Il publie sous son nom les Principes de la philosophie de Descartes, enrichis des Pensées métaphysiques. 
  • 1674 Son Traité théologico-politique, défense de la liberté de philosopher, paru anonymement en 1670, est censuré par les autorités. 
  • 1675 Il songe à publier l’Éthique mais se rétracte de peur des polémiques. 
  • 1677 Le 21 février, il meurt à La Haye. L’Éthique paraît avant d’être interdit l’année suivante.

Soyons plus précis. Déplions ce quadruple contraire. Premièrement, il est clair que la plupart des joies factices que l’on nous propose aujourd’hui (loto, sport-spectacle, jeux vidéo, séries télévisées infinies, etc.) reposent sur le déni des tristesses du jour et des impuissances de nos corps. Elles s’apparentent ainsi au divertissement pascalien, pauvres illusions dont la seule fonction est de nous faire oublier la « misère de l’homme sans Dieu » (Pascal). Nous balançons ainsi sans cesse entre lâche abandon et culpabilité – c’est le prix de tout déni. Or, pour sortir de ce cercle, le geste auquel nous invite Spinoza est double. D’une part, déculpabiliser comme expulser tout mépris : toutes les choses qui nous donnent de la joie sont bonnes, y compris les plus idiotes. D’autre part, relativiser et comprendre, notamment comprendre que si toutes nos joies sont innocentes et effectivement « bonnes » dans l’instant de leur jouissance, nombre d’entre elles n’en sont pas moins idiotes et nuisibles du point de vue d’une vie plus haute et plus libre. Car le bien et le bon sont toujours relatifs : si la joie télévisuelle est bonne pour le grabataire, à la hauteur de la faiblesse de son corps et de son âme, elle est mauvaise pour le jeune homme ou la jeune fille dans la fleur de l’âge, parce qu’en vérité ce n’est pas une pure joie – c’est une tristesse mêlée à une joie, mélange dans lequel la tristesse, qui fait décroître nos puissances actuelles d’agir, est en vérité bien plus grande que la joie. Que ne pourrait faire un adolescent s’il oubliait la télévision ! Autrement dit, Spinoza ne condamne aucun comportement, mais il enjoint à ne pas être la dupe de nos joies en étant autant que possible conscient des tristesses qu’elles peuvent envelopper. Les vraies et pures joies se conquièrent, non dans le déni de ce qui nous attriste mais dans sa compréhension patiente. En ce sens, la philosophie spinoziste de la joie pourrait aussi bien être dite philosophie (ou méditation) de nos tristesses. Ce n’est ni du Pascal ni la fête à Neu-Neu.

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Article issu du magazine n°63 septembre 2012 Lire en ligne
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