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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© ivetavaicule/iStockphoto

La petite question

“Small Talk” : faut-il éviter ou entretenir ces petites conversations futiles ?

Aude Marguier publié le 09 mai 2023 3 min

Que l’on parle de la dernière averse ou de la prochaine brocante, ces petites conversations anodines ont le point commun de ne transmettre à nos interlocuteurs ni d’informations nécessaires, ni d’idées profondes. Nous les pratiquons pourtant tous les jours, bon gré ou malgré nous. Qu’en penser véritablement ? Pour y voir plus clair, nous avons consulté le philosophe Martin Heidegger et l’anthropologue Bronisław Malinowski, qui en ont une vision opposée : pour l’un, le babillage est un divertissement futile qui nous empêche de nous confronter à l’énigme de l’Être, et pour l’autre, c’est une manière essentielle de se lier à autrui. À vous de trancher !


Contre

Heidegger : le small talk ou l’incompréhensibilité du trivial

En répétant les mêmes phrases, conventionnelles, sans émotivité, le small talk est une parole qui stagne et se renferme sur elle-même. Pour le phénoménologue allemand Martin Heidegger (1889-1976), le small talk, ou le bavardage est à l’opposé d’une véritable parole. Elle est la preuve d’individus « déracinés », idée qu’il développe dans son œuvre phare Être et Temps (1927) : « Le bavardage, qui referme selon la guise qu’on a caractérisée, est le mode d’être de la compréhension déracinée du Dasein. » Le small talk nous rendrait incapables d’être-là, d’être au présent. De ce fait, il nous empêche de comprendre le monde qui nous entoure : « Une abondance de paroles sur quelque chose ne donne jamais la moindre garantie que la compréhension s’en trouvera accrue. Au contraire : la discussion intarissable recouvre le compris et le porte à la clarté apparente, c’est-à-dire à l’in-compréhensibilité du trivial. » Nos discussions interminables sur le tout et le rien ne nous permettront jamais de comprendre nos interlocuteurs, et inversement. N’étant que superficielles, elles ne touchent jamais du doigt la réalité de nos sentiments, de ce qui nous constitue. Parler de banalités n’est jamais une « volonté consciente de faire passer quelque chose pour quelque chose », nous ne communiquons pas d’informations concrètes, nos mots se vident de leurs sens, ils n’ont ni impact, ni poids : « L’être-dit et l’être-rapporté dépourvus de fondement suffisent pour que l’ouvrir se pervertisse en un refermer. » La véritable parole, elle, est une ouverture sur le monde et le mystère de l’Être : « Le parler s’ex-primant est communication. » En s’exprimant réellement, l’Être sort de lui-même, il devient ex-primant. Parce que le small talk ne dit rien et ne crée pas de lien, Heidegger apprécie davantage le silence et la solitude permettant à l’être humain (en l’occurrence, à son véritable Dasein) d’être pleinement présent au monde, d’être ouvert à son énigme : « C’est alors que le silence manifeste, et brise le “bavardage”. » En effet, ne préférons-nous pas le silence authentique aux jacassements sans intérêt ?

Pour

Malinoswki : Le small talk, une forme de “communion phatique”

Pourquoi la valeur d’une chose est-elle toujours relative à son utilité directe ? Une discussion, aussi légère qu’elle soit, tisse des liens entre deux interlocuteurs. L’anthropologue polonais Bronisław Malinowski (1884-1942), dans Le Problème du sens dans les langues primitives (1923), avait remarqué que l’une des caractéristiques principales du langage humain allait au-delà du simple échange d’informations utiles : « Nous pouvons dire que la langue ne fonctionne pas ici comme un moyen de transmission de la pensée. » Nous parlons alors pour créer et consolider le lien : « Chaque énoncé est un acte qui a pour but direct de lier l’auditeur au locuteur par un lien de sentiment social. » Alors peu importe si la discussion est intéressante ou non, car ce dont l’homme a le plus besoin est le lien social. Les « petits blablas » sont surtout une manière de témoigner notre intérêt pour la personne, de bâtir une relation qui dépasse celle de simples collègues ou voisins. C’est ce que Malinowski appelle, depuis le grec ancien phatikós (φατικός) qui signifie « parole » ou « discursif », la « communion phatique » : « Je suis tenté d’appeler communion phatique un type de discours dans lequel les liens de l’union sont créés par un simple échange de mots. » Le small talk semble remplir cette fonction phatique. En effet, toute relation n’a-t-elle pas commencé par un échange de banalités ? Au fond, le small talk ne dupe personne. Mais à quoi ressembleraient nos journées sans lui ? Même si les babillages « ne sont pas le résultat d’une réflexion intellectuelle » ni d’une confession intime, ils restent « un élément indispensable de l’action humaine ». À le suivre, lâchez-donc cette arrogance qui vous oblige à réserver votre parole à des sujets majeurs, et tâchez d’écouter plus attentivement votre voisin vous faire le récit de son week-end à Noirmoutier, car rien n’est plus utile qu’une conversation sans intérêt !

Êtes-vous pour le papotage, tel Malinowski ? Ou contre, comme Heidegger ?
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