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Sean Connery incarne le moine franciscain Guillaume de Baskerville dans Le Nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud (1986). © DILTZ/Rue des Archives

Hommage

Sean Connery : le rire contre les fanatismes

Ariane Nicolas publié le 02 novembre 2020 4 min

Sean Connery nous a quittés. L’acteur écossais, le premier à avoir incarné James Bond au cinéma, s’est éteint le samedi 30 octobre à l’âge de 90 ans. Inoubliable devant les caméras d’Alfred Hitchcock, de Sidney Lumet, de Brian De Palma, de John Boorman ou de John McTiernan, Sean Connery a également marqué les esprits dans l’adaptation du roman d’Umberto Eco Le Nom de la rose, sorti en 1986. Dans ce thriller médiéval réalisé par Jean-Jacques Annaud, l’ex-agent 007 incarne Guillaume de Baskerville, un moine franciscain enquêtant sur la mort mystérieuse de confrères bénédictins dans une abbaye italienne, sur fond d’Inquisition. 

Remis en lumière depuis la mort de son interprète principal, Le Nom de la rose trouve un écho tout particulier avec l’actualité récente. La disparition des moines est en effet liée [attention, divulgâchis !] à la lecture du second livre de la Poétique d’Aristote, ouvrage aujourd’hui perdu qui célèbre le rire et la comédie. Des religieux ont-ils le droit de s’esclaffer ? Le rire n’est-il pas d’essence diabolique ? À la lumière des attentats islamistes qui ont endeuillé notre pays ces dernières semaines, le film apparaît plus que jamais comme une défense sans partage de l’humour et même, par certains égards, du blasphème. Guillaume de Baskerville serait-il « Charlie » avant l’heure ?

« Le Christ n’a jamais ri » 

Le film de Jean-Jacques Annaud met en scène les dérives meurtrières auxquelles le fanatisme religieux peut conduire. Le doyen des moines, Jorge, personnage aveugle à la raideur terrifiante, tyrannise sa fratrie en lui interdisant de rire, étant convaincu que cette manifestation de l’esprit est un péché diabolique. Au cours d’un échange tendu avec Guillaume de Baskerville, Jorge développe son argumentation anticomédie. Voici le dialogue entre les deux hommes, initié par le vieux religieux :

« Le rire est un souffle diabolique qui déforme les linéaments du visage et fait ressembler l’homme au singe.

— Mais le singe ne rit pas. Le rire est le propre de l’homme.

— Comme le péché. Le Christ n’a jamais ri.

— En sommes-nous si sûrs ?

— Rien dans les écritures n’établit que notre seigneur ait ri.

— Rien dans les écritures n’établit que notre seigneur n’ait pas ri […]. Aristote a consacré le second tome de sa Poétique à la comédie. Il en fait un instrument de vérité.

— Vous avez lu cet ouvrage ?

— Bien sûr que non, ce manuscrit a été perdu il y a des siècles.

— Non, il n’a jamais été écrit. Parce que la Providence ne tolère pas que l’on glorifie des futilités. »

Inversion de la culpabilité

Au cours de son enquête, Guillaume de Baskerville découvre un manuscrit sur lequel une des victimes travaillait. À sa grande surprise, le moine en question s’adonnait en cachette à la satire des institutions religieuses, pour ne pas dire au blasphème : sur l’une de ses enluminures, il représente un âne en train d’enseigner les écritures à des prêtres et grime un pape en renard ainsi qu’un abbé en singe. Commentaire du Sherlock Holmes franciscain : « Il avait un vrai don pour l’irrévérence et les images de comédie. » C’est peu dire ! Don qui lui a valu de mourir empoisonné... 

La violence de la punition infligée, comparée à la légèreté du « crime » commis, a bien quelque chose d’absurde. Soudain, tuer son prochain semble moins grave que de s’adonner à des actions (comme le fait de caricaturer un religieux) qui ne coûtent la vie à personne. Comme si le commandement « Tu ne tueras point », s’évaporait mystérieusement. Le coupable n’est plus celui qui supprime l’autre, mais celui qui pousse prétendument son prochain au crime alors qu’il ne commet lui-même aucun méfait. Car comme le rappelle Guillaume de Baskerville, « rien dans les écritures n’établit que [Jésus-Christ] n’ait pas ri ». 

Poussé dans ses retranchements, le fanatique n’a d’autre solution que de déballer une théorie du complot (« Aristote n’a jamais écrit de livre sur la comédie ») pour ne pas perdre la face. Violence et mauvaise foi ne sont pas nés avec les réseaux sociaux…

Aristote, défenseur du rire ?

Le livre auquel fait référence le héros du film est le second tome de la Poétique d’Aristote. Si son existence est attestée par les historiens de la philosophie, il a en revanche bel et bien disparu. On ne saura donc jamais ce que les moines du Nom de la rose ont lu de si transgressif… Néanmoins, dans le premier tome de la Poétique consacré à la tragédie, Aristote livre quelques éléments d’analyse sur la comédie. Il définit cet art théâtral comme « l’imitation d’hommes de qualité morale inférieure », par opposition à la tragédie, qui dépeint des personnages aux sentiments nobles confrontés à des situations impossibles, suscitant crainte et pitié dans l’âme du spectateur. 

Aristote précise que « le comique consiste en un défaut ou une laideur qui ne causent ni douleur ni destruction ». On pense alors à Jorge, dont le visage hideux a pour ainsi dire été déformé à force de ne pas rire, et qui déclare au moment de se suicider : « Qu’adviendra-t-il si à cause du livre d’Aristote, l’homme cultivé déclarait tolérable que l’on rie de tout ? Le monde retomberait dans le chaos ! » Semer le désordre parmi les humains au nom d’un ordre jugé supérieur, telle est finalement la faute morale de ce fanatique – et son ignominieuse hypocrisie.

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