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Lausanne (Suisse), le 23 mai 2023. Le professeur de neurosciences Grégoire Courtine, le chef du programme interface cerveau-ordinateur du CEA Guillaume Charvet, le patient Gert-Jan des Pays-Bas, la neurochirurgienne et professeure Jocelyne Bloch et Henri Lorach, responsable du programme d’interface cerveau-ordinateur de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), du Centre hospitalier universitaire de Lausanne (CHUV) et de l’Université de Lausanne (UNIL) posent lors d'une conférence de presse. © Fabrice Coffrini/AFP

Sciences

Remarcher par la seule force de la volonté !

Charles Perragin publié le 05 juin 2023 5 min

Pour la première fois, un patient paraplégique a réussi à remarcher grâce à une interface cerveau-machine mise au point par le centre de recherche en bio-ingénierie NeuroRestore, en Suisse. Une révolution sur ce que l’on pensait savoir à propos des liens entre le corps et l’esprit. Henri Lorach est le scientifique qui a piloté cette étude dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature. Entretien.


Pouvez-vous nous détailler le contexte de cette expérimentation ?

Henri Lorach : Notre laboratoire développe des thérapies pour traiter des troubles neurologiques, et, dans cette étude, nous avons suivi un patient souffrant d’une lésion de la moelle épinière après un accident de vélo. Sa moelle a été endommagée au niveau des cervicales, ce qui avait entraîné une paralysie. Grâce à des implants et à un ordinateur extérieur, nous avons réussi à reconnecter les intentions motrices du cerveau avec les muscles. Et ce patient, tétraplégique depuis une douzaine d’années, a pu retrouver de la mobilité dans les jambes après quelques minutes d’entraînement, puis remarcher.

 

Comment cela fonctionne-t-il ?

Nous avons un implant au niveau du cerveau qui enregistre l’activité neuronale. À partir des enregistrements de l’implant cérébral, un petit ordinateur extérieur récupère les signatures électriques des intentions motrices. Ce sont des signaux spécifiques que notre algorithme apprend à reconnaître et à associer à une intention : tel signal révèle une intention de fléchir la hanche, tel autre d’étendre le genou, etc.

 

Une façon de lire dans nos pensées ?

En un sens. Et quand ces motifs sont détectés, l’information est transmise à un pacemaker niché dans l’abdomen, lui-même relié à un implant en contact avec la moelle épinière sous la lésion, là où se situent les fibres nerveuses coupées du cerveau qui vont innerver les muscles des jambes. Les nerfs reçoivent ainsi, de façon artificielle, le signal pour actionner de nouveau ces muscles. Et cela fonctionne ! C’est une première. Des groupes de chercheurs avaient déjà travaillé sur l’utilisation d’implants cérébraux pour contrôler un exosquelette ou un robot. Pas pour réactiver sa propre moelle épinière.

 

Vous avez réussi à faire descendre l’intention du cerveau pour générer le mouvement mais le patient lui ne ressent pas de sensibilité dans ses jambes ?

Le participant que nous avons suivi avait une sensibilité partielle, car la moelle n’était pas intégralement rompue. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a pu progresser et finir par remarcher sans le dispositif. L’entraînement qu’il a eu avec notre appareillage a permis de renforcer les connexions résiduelles pour qu’il retrouve un contrôle moteur tout seul. Pour un patient qui aurait une lésion complète, il ne pourrait pas se passer du dispositif : on ne sait pas encore faire repousser les fibres nerveuses. Ce dernier pourrait remarcher mais sans pouvoir récupérer de la fonction neurologique ni améliorer ses sensations dans les jambes.

“Le cerveau et les muscles sont les parties d’une même boucle”
Henri Lorach

 

Nous pouvons donc vivre notre relation au corps selon un dualisme encore plus radical que Descartes, tel un pilote dans son navire, capable de contrôler le corps par la seule volonté indépendamment de nos sens !

Nous avons quand même besoin d’un retour sensoriel. Par exemple, le patient a besoin de regarder ses jambes pour visualiser les effets de ses intentions par la stimulation artificielle. Ainsi la boucle de contrôle ne passe plus essentiellement par la proprioception mais par la vue. Le cerveau et les muscles sont les parties d’une même boucle. Nous n’avons pas pu le mesurer, mais notre patient a rapporté un gain de sensibilité : le fait de se voir marcher combiné avec des sensations résiduelles permet cette nouvelle appropriation, comme si une modalité sensorielle était recrutée par un autre sens. On le mesure chez des patients aveugles : ils finissent par activer leur cortex visuel en utilisant le braille par exemple.

 

Et serait-il possible de réactiver également la sensation de façon artificielle ?

Tout à fait. Il est possible de stimuler la sensibilité d’un membre au niveau du cerveau même en cas de perte totale de sensation. Nous n’excluons pas, un jour, de pouvoir restituer la sensation en intégrant des électrodes dans le cerveau qui transmettraient les signaux de retour nerveux provenant de sous la lésion. La boucle serait ainsi complète !

 

Sans ce retour des sens, le patient s’installe-t-il quand même dans un rapport au monde bien plus médié par la volonté que par la sensibilité ?

Sans retour sensoriel, le contrôle moteur reste bancal. Mais, oui, nous avons ici besoin de cet aspect conscient et volontaire de l’intention du mouvement pour en identifier les supports physiques et ainsi initier l’action. Notre dispositif nous permet cependant aussi de capter et d’étudier des signatures cérébrales issues de processus involontaires ou inconscients.

 

Sachant qu’on ne peut conscientiser l’extraordinaire complexité d’un mouvement, l’intention que vous identifiez serait donc incomplète ?

Oui, nous « discrétisons » les signaux cérébraux pour isoler certaines intentions. Nous ne réactivons pas toute la subtilité de la coordination de la trentaine de muscles de la jambe. Nous sommes contraints par la technologie et nos facultés de décodage. Nous ne savons donc activer que certaines fonctions musculaires. Et avec ce que nous pouvons actionner, nous tâchons de trouver la façon la plus fonctionnelle et naturelle de marcher. Ainsi, nous faisons une approximation de la marche comme un polygone est une approximation d’un cercle. Bien sûr, tout cela est étudié par des physiothérapeutes qui veillent à ce que cette nouvelle façon de marcher n’entraîne pas des compensations qui pourraient être dommageables au patient.

“Avec notre technologie, nous pourrions imaginer amplifier les contractions musculaires chez un sujet sain, et il serait alors possible d’augmenter sa force et sa vitesse”
Henri Lorach

 

Ce dispositif pourrait-il servir à améliorer le sujet sain ?

La question de l’augmentation et du transhumanisme se pose en effet lorsque l’on travaille sur ce type de neurotechnologies. Neuralink, par exemple, la société d’Elon Musk, conçoit des implants cérébraux avec le but assumé de communiquer avec nos ordinateurs. De notre côté, nous voulons restaurer les fonctions endommagées, pas gadgétiser le cerveau humain. Nous voulons permettre au malade de réinvestir son corps. Mais oui, avec notre technologie, nous pourrions imaginer amplifier les contractions musculaires chez un sujet sain, et il serait alors possible d’augmenter sa force et sa vitesse. Ces questions se poseront sûrement mais ce genre de pratiques ne correspondent pas à notre philosophie du soin.

Pourquoi ça marche ? Entretien avec Henri Lorach
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