Refuser le conflit, un non-sens politique
« Emmanuel Macron est un hyperaffectif. Dans Révolution, il s’étend sur “la tendresse, la confiance” qui ont bercé son enfance et conclut, fleur bleue : “on ne fait rien de bien sans amour”. Dans ses discours, il n’hésite pas à clamer sa passion pour le public ou ses proches. Le soir du premier tour de la présidentielle française, il fait scander le prénom de son épouse : “Brigitte ! Brigitte !” Ce style intime révèle le fond, problématique, de la vision du monde de son auteur.
« Que combat ce preux chevalier ? Un ennemi ? Non : l’inimitié même »
Dans la Notion de politique [1927, 1932], je montre que la politique, en tant que champ spécifique, distinct de celui de la morale, des sentiments, de l’esthétique, du droit ou de l’économie, ne peut fonctionner qu’à partir d’un couple opposé : l’ami et l’ennemi. Il s’agit d’une tension structurante, qui ne signifie pas que l’ennemi soit mauvais du point de vue moral, laid du point de vue esthétique, haïssable du point de vue passionnel. Simplement, pour emmener son peuple dans une direction définie, pour le rassembler, lui permettre de se définir comme communauté, il est indispensable de désigner un autre auquel on s’oppose. Le cas échéant “une planète définitivement pacifiée serait un monde sans discrimination de l’ami et de l’ennemi et par conséquent un monde sans politique”. Or que fait M. Macron ? Lors de son discours de premier tour, il commence par faire applaudir ses adversaires. Il ajoute : “Merci de les avoir tous applaudis. Cela vous ressemble. Cela nous ressemble.” Comme il l’affirme, le “défi n’est pas d’aller voter contre qui que ce soit”, même pas le FN. Cette tactique, dissimulée sous un vernis postmoderne de “bienveillance”, a d’ailleurs fragilisé sa campagne de second tour. On ne mène pas une campagne en aimant tout le monde. Mais cela lui ressemble. Avec son “en même temps”, il incarne une dépolitisation de la politique. Acceptant pleinement la mondialisation, il exalte un monde sans dehors. Certes, il aime se présenter en “guerrier” et vante “l’esprit de conquête”. Mais que combat ce preux chevalier ? Un ennemi ? Non : l’inimitié même. “Je me battrai contre les divisions qui nous minent”, clame-t-il le soir de sa victoire. Et le jour de son intronisation, il formule la tâche principale qu’il se donne : “J’aurai […] la volonté constante de réconcilier et de rassembler l’ensemble des Français.” Mais il n’admet pas d’ennemis réels. Face au FN, il ne veut pas croiser le fer mais provoquer la disparition de l’ennemi, faute de raisons d’exister : “Je ferai tout dans les cinq années qui viennent pour que [les Français] n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes”, assure-t-il. S’il admet que les terroristes sont un ennemi, il considère d’abord les djihadistes comme des personnes qui ont “dévié”. Or nous avons, concède-t-il, une “part de responsabilité” dans la création du “terreau” sur lequel le fanatisme a prospéré. Là encore, une politique juste entraînera l’évaporation de l’adversaire.
Cet ouvrage, écrit par un philosophe gravement compromis dans le nazisme, est pourtant resté un classique. C’est que Carl Schmitt cherche à…
Dans un discours prononcé le 13 janvier dernier à l’occasion du 50e anniversaire du congrès de la Conférence des présidents d’université, Emmanuel…
Depuis l’invasion de l’Ukraine, les responsables politiques et les commentateurs rivalisent de termes pour désigner le caractère non-démocratique…
Ce juriste et philosophe chinois, professeur dans la prestigieuse école de droit de l’université de Pékin, est un ardent défenseur de la ligne…
Chacun s’accorde à admettre que l’exercice du jugement politique a besoin d’informations objectives et vraies pour pouvoir bien s’exercer. Mais,…
Le discours du 9 novembre 2021 du président de la République était attendu et dénoncé à l’avance par ses adversaires politiques comme une prise de…
[Actualisation: Emmanuel Macron a été désigné pour affronter Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017] Emmanuel Macron a…
Un monde entièrement pacifié, où nous serions tous frères ? Une belle utopie…, mais un cauchemar pour le sulfureux Carl Schmitt, qui voit dans l’inimitié et la lutte la condition première de la politique.