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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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De g. à dr. et de h. en b. : Kant, Descartes, Nietzsche, Wittgenstein, “Schopenhauer”, Hegel.
Capture d’écran depuis : fb.com/PhilosopherGames/photos. © DR

La (petite) question

Rajeunir les philosophes, une bonne idée ?

Anne Robin publié le 05 décembre 2020 4 min

La page Facebook Philosopher Games a publié cette semaine le visage de certains philosophes transformé via les applications de rajeunissement. On y découvre les potentiels « visages adolescents » de Hegel, Nietzsche ou Wittgenstein. Les applications de transformation faciale – qui, à l’aide d’une intelligence artificielle, donnent en l’occurrence une image plus jeune d’un visage – ont connu un succès fulgurant depuis 2017, date de leur apparition sur le marché, à la suite de précurseurs informatiques tels que FaceSwap. Aujourd’hui, de FaceApp à Time Machine – le filtre de rajeunissement de Snapchat –, toutes les entreprises veulent leur application. Pourquoi un tel engouement ? Voir des personnalités plus jeunes peut évidemment faire sourire, mais pas seulement. On ne peut s’empêcher de projeter rétrospectivement sur le visage de l’homme ce que l’on sait de sa vie, de son œuvre, ou de son caractère, et de déceler dans un visage enfantin une sorte de destinée. Pouvait-on lire sur le visage du jeune Hegel la puissance du négatif en germe, percevait-on chez le jeune Nietzsche les prémices de la folie ? Rien n’est moins sûr. Pourtant cette tendance à la projection d’une vie ou d’un caractère sur un visage n’est pas sans rappeler les études proposées par la physiognomonie d’antan. Retour sur une « science » pour le moins pas très éclairante. 

 

« Qu’est-ce qu’il a l’air gentil ! », « il a une bonne tête qui inspire confiance », ou encore « elle a vraiment l’air insupportable, celle-là ! » – en apparence anodines, ces façons de parler trahissent la tendance si répandue que nous avons, instinctivement, à attribuer aux traits d’un visage un certain type de caractère… Ce qui n’est rien d’autre qu’un biais cognitif caractérisé. Toutefois, par le passé, cette inclination a même fait l’objet d’études prétendument scientifiques : c’est ce que l’on appelle la physiognomonie.

  • La physiognomonie, une « science » aux origines lointaines. Si elle est très en vogue au XIXe et même au début du XXe siècle, la physiognomonie trouve son origine dans l’Antiquité. On retrouve par exemple dans les Premiers Analytiques d’Aristote, un développement entier consacré à cette question. Selon le Stagirite, « L’art de la physiognomonie est possible si l’on accorde que le corps et l’âme changent ensemble. » Aristote part du fait que si certaines qualités sont associées à certains animaux en raison de signes extérieurs – il prend l’exemple du lion que l’on associe au courage –, alors il doit en aller de même pour les hommes. Cette conception antique se fonde sur la croyance d’une corrélation intime entre l’âme et le corps. Pour Aristote, le corps et l’âme sont indissociables ; le corps est la matière informée par l’âme qui lui donne vie, il est donc affecté par les désirs et passions de celle-ci. Selon lui, ce phénomène se traduit donc par des particularités extérieures comme signes propres à certaines affections.
  • Si cette théorie nous paraît aujourd’hui pour le moins étrange, elle reprend pourtant vigueur au XVIIIe siècle, notamment avec le Suisse Johann Kaspar Lavater, qui publie un Essai sur la physiognomonie, destiné à faire connaître l’homme et à le faire aimer (1783) dans lequel il définit cette notion : « La physiognomonie est la science, la connaissance du rapport qui lie l’extérieur à l’intérieur, la surface visible à ce qu’elle couvre d’invisible ». En France, Diderot projettera également d’en faire une étude, mais il n’aboutit qu’à un ensemble de notes, qui seront publiées après sa mort sous le titre d’Éléments de physionomie. 
  • Les dangers de la physiognomonie. Si cette pseudo-science peut faire sourire aujourd’hui, elle n’est pourtant pas sans danger. Elle fut notamment utilisée par le criminologue Cesare Lombroso, friand de la discipline « soeur » de la physiognomonie (et tout aussi arbitraire et infondée que celle-ci), la phrénologie. Pour Lombroso, certaines caractéristiques physiques se retrouveraient chez les criminels, prouvant ainsi une forme d’atavisme. La grosseur du crâne, la présence de la fossette occipitale ou encore des bras anormalement longs en seraient les signes. Ces caractéristiques physiques permettaient d’après lui d’identifier de potentiels criminels, et ainsi de prévenir la criminalité. En attachant des caractéristiques physiques à des tempéraments ou des types de comportement, la physiognomonie a servi de terreau à de nombreuses thèses raciales et eugénistes. Dénoncées par les sociologues, notamment pour la méthode utilisée et l’absence totale de prise en compte du milieu et de l’éducation dans ses recherches sur la criminalité, les thèses de Lombroso sont aujourd’hui abandonnées par la grande majorité des chercheurs… Même s’il est indéniable que biologiquement (quoique sur un plan qui n’a rien à voir avec les élucubrations de la physiognomonie), le corps peut parfois « exprimer » l’esprit, ou, à tout le moins, le sculpter.
  • En tout état de cause, la physiognomonie a donc aussi fait l’objet de critiques plus strictement philosophiques, notamment de la part de Hegel, qui ne considère pas que la conscience de soi puisse s’exprimer dans des caractéristiques physiques – en tout cas, sûrement pas par les biais que présentent Lavater, Lombroso et consorts. Dans sa critique des travaux de Lavater, Hegel dit à propos des expressions corporelles « ce à quoi ressemble ce qui exprime le contenu exprimé est parfaitement indifférent à ce dernier ». Hegel est donc catégorique : pour lui, les caractéristiques corporelles ne peuvent en aucun cas révéler le contenu intérieur, qui n’est pas directement visible dans les phénomènes physiques. 

Amusons-nous donc de voir les « visages adolescents » de nos grands philosophes sans chercher à y déceler des traits de personnalité ou des signes avant-coureurs d’une pensée… car si l’habit ne fait pas le moine, le visage ne fait pas le caractère. 

 

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