Des classiques éclairent le présent

À quoi pense ce chien ?

Michel Eltchaninoff publié le 2 min

Cette vidéo d’un chien apparemment méditatif, face à la mer, a été regardée plus de onze millions de fois. Peut-on seulement savoir ce qu’il y a dans sa tête ? La réponse des philosophes.

 

 

René Descartes

Le chien ne pense pas. Il n’est qu’une machine, certes créée par Dieu et formidablement complexe, mais dépourvue d’âme. « Les animaux nous exprimeraient leurs pensées, s’ils en avaient », assure le philosophe. Ce chien sent les vagues sur ses pattes, le soleil sur son museau, son corps est en attente d’une impulsion qui l’enverra, ou non, se tremper. Ou alors, il suit des yeux son maître, son point d’attache au monde, qui est en train de se baigner.

 

Denis Diderot

Le chien, tout comme la plage, les vagues, le ciel, est composé de « molécules sensibles ». Il s’unit au reste du vivant, comme lui empli d’énergie. Les organes de l’animal sont comme « des cordes vibrantes » à l’unisson avec ce qui l’entoure. Il résonne donc avec la mer et l’azur, et y est pleinement présent, sentant que la différence ontologique entre sa personne et ce qui l’environne est finalement très ténue. Alors, pourquoi les humains auraient-ils le privilège de la contemplation ?

 

Mikhaïl Boulgakov

C’est un canidé auquel un chirurgien a certainement greffé l’hypophyse et les testicules d’un humain. Cela le rend d’habitude insupportable et sans gêne, comme dans Cœur de chien (1925). Mais là, tiens donc ! il se calme un peu et doit se dire : « C’est quand même bon d’être là, tranquille, les pattes dans l’eau à se bronzer au soleil. » Ou bien rêve-t-il à la prochaine partie de beach-volley, où il pourra exposer fièrement ses muscles ?

 

Thomas Nagel

Bien malin qui pourra dire ce que pense ce chien ! Si le terme de « conscience » peut s’appliquer à cet animal, il est impossible de traverser symboliquement la barrière des espèces. Se demander à quoi pense ce chien n’a pas plus de sens que de se demander à quoi pense une chauve-souris. L’expérience subjective est irréductible aux corps. Nous ne pouvons que projeter sur le chien des pensées que nous souhaiterions qu’il ait, ou tout au plus, interpréter son comportement.

 

Donna Haraway

Ce chien a un maître ou une maîtresse, qui est surtout son compagnon ou sa compagne. Comme son partenaire humain, qui l’a élevé et avec qui les échanges intellectuels sont réciproques et enrichissants, l’animal médite face à l’immensité de l’univers. Il a simplement besoin d’un peu de solitude, à ce moment précis. C’est bien humain… mais l’on peut être certain que sa moitié n’est pas très loin, en train de profiter de la vue, elle aussi. Vivement les retrouvailles !

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