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Régis Debray. ©Jean-Philippe Baltel/SIPA

Le livre du jour

Quand Régis Debray rit de son AVC

Charles Perragin publié le 06 décembre 2021 4 min

Il y a quelque temps, Régis Debray a eu un accident vasculaire cérébral. « Cohérence en baisse, trous de mémoire, déséquilibre garanti. Le tout s’en va, les riens remontent », écrit-il pour présenter ses Éclats de rire (Gallimard, 2021), son dernier livre. Seulement, dans une vie où l’on a tantôt été guérillero castriste en Bolivie, chargé de mission auprès du président Mitterrand ou intellectuel reconnu auprès de grands noms comme Clément Rosset, Louis Althusser et Jacques Derrida, les riens deviennent des pépites qui, tour à tour, sont drôles, profondes, inattendues. Florilège.

© éditions Gallimard
© éditions Gallimard

Éclats de rire, de Régis Debray, vient de paraître aux éditions Gallimard (64 p., 8,50 € en version imprimée, 5,99 € en version dématérialisée). Il est disponible sur le site de l’éditeur, ainsi que chez votre libraire.

 

« C’est l’heure espiègle du décousu main – remembrances, épigrammes, pirouettes, brèves de comptoir », prévient l’écrivain. Les petits énoncés se succèdent « sans logique ni protocole ». Pourtant, de l’aphorisme à l’anecdote, les petits mots en disent long sur le philosophe, sa vie, son esprit. Il y a tout d’abord l’amour des choses de la vie. Ou une haine des grandes visions panoramiques, de la synthèse bon marché, de la « généralité molle ». Les choses de la vie, c’est, par exemple, tenir ses comptes ou une arme à la main. Deux enseignements que Debray doit à « deux officiers du détail ». Le premier est Georges Perec qui lui a prêté son appartement au 5, rue Quatrefages (Paris Ve) quand il est parti enseigner en Tunisie. Debray réglait « grosso modo » la location et Perec renvoyait chaque trimestre des « rectificatifs méticuleux », « au centime près ». Le second officier est Fidel Castro. Chez lui, à Punto Cero, le leader cubain lui a appris à bannir le mode rafale des fusils automatiques, trop imprécis, trop gourmand. Pour tirer sur les Jeep américaines, il fallait s’exercer au coup par coup, ajusté et méticuleux. Demander une augmentation au chef de service quand on sait à peine chiffrer ses besoins, tenir tête à la plus grande puissance du monde quand on n’est qu’un « trublion périphérique », la vie se joue à des détails qu’on n’apprend pas dans les bibliothèques. Parce qu’« un rien peut faire tomber », l’auteur, en hommage, se qualifie volontiers de « castro-perecquiste ».

“Pour les idées qu’on se fait du vaste monde, il est conseillé de se rendre sur place, comme pour acheter chaussures et pantalons”Régis Debray

 

Debray ne veut pas nous faire croire qu’il a un esprit terre à terre. Il aime trop le rêve, la poésie. Au fond, c’est la stérilité qu’il exècre. Et un savoir-faire concret vaut mille fois une idée creuse. « Pour les idées qu’on se fait du vaste monde, il est conseillé de se rendre sur place, comme pour acheter chaussures et pantalons. La vente par correspondance, pour le on-dit ou la bienséance, est une commodité rentable, mais source d’erreurs graves ». Comme il l’évoquait dans ses mémoires, D’un siècle l’autre (Gallimard, 2020), il faut « sortir de son jardin de curé pour monter au feu » : les beaux principes doivent se cogner les faits. Et cela ne doit pas empêcher le cœur de vibrer, car il n’y a pas d’action sans « quelque illusion lyrique ». Sur le plan collectif, pas de nation sans narration. Pour faire un commun, il faut les rêves de Chateaubriand ou les chœurs de l’Armée rouge. Sur le plan individuel, il est aussi conseillé de voir de trop grand : « Demander au marchand de chaussures du 42 quand on chausse du 39 n’est pas toujours idiot. Peut-être, pour un quidam comme pour une nation, le déclin commence-t-il du jour où ils s’enlèvent les bottes de sept lieues pour des croquenots à leur taille. » L’aliénation est en fait indispensable mais seulement si elle sublime. « Se prendre pour ce que l’on est en fait, sans délire ajouté, c’est le début de la fin. Une dépression assurée, non remboursée par la sécurité sociale. »

Chérir ses croyances n’empêche pas d’être lucide. Le rétrécissement du vocabulaire, l’épuisement spirituel et moral, l’époque va mal. Mais comment le dire ? « “Décadence” déconsidère. Cela sent par trop le réac, le moisi, voire le facho. “Déclin” est moins compromettant et plus grand genre, cela fait Empire romain (…) “Fin de siècle” ? Chaque chose en son temps, on n’est qu’au début du nôtre. “Fin de partie”, c’est rigoureux comme du Beckett, mais cela manque de charité. » Même dans son cynisme, Debray n’a pas l’esprit de sérieux. Comment l’être quand on sait que « trois câbles qui pètent dans le ciboulot et le tout fout le camp » ? « Debray, débris : on avait des prédispositions. » Sans espoirs et condamnés, on a quand même encore le droit de se marrer un peu : « Comment se réjouir du triomphe des comptables sur les prêtres et les poètes ? Proust avait prévenu : “L’espérance est une figure de l’instinct de conservation.” Si personne n’est plus là pour nous dorer la pilule, après quoi faut-il courir, autrement dit : à quoi bon continuer ? Laissons les irresponsables vanter “la fin des idéologies”. Ils portent atteinte à la morale publique. En tant que permanente incitation au suicide collectif, voir les choses en face, sans conneries ajoutées, devrait relever du code pénal. »

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