Quand les Amazoniens fertilisaient la terre en faisant le ménage
D’où vient la terra preta, cette terre noire extrêmement fertile répartie en îlots à travers la forêt amazonienne ? Elle est le fruit d’une activité délibérée de l’homme, répond une étude parue dans Science Advances. Et elle est le fruit de nos tâches ménagères, n’en déplaise à Hannah Arendt, qui n’accorde aucune dignité au ménage.
La mystérieuse terra preta, « terre noire » ultra fertile de l’Amazonie brésilienne qui fait aujourd’hui l’objet d’une nouvelle étude parue dans Science Advances, intrigue depuis longtemps scientifiques et anthropologues. Dès 1966, Wim Sombroek publie Amazon Soils. A Reconnaissance of The Soils of the Brazilian Amazon Region. Entre régénération des sols et séquestration du carbone, il y interroge les propriétés singulières de cette « terre noire ». D’un point de vue historique aussi, la terra preta pose des questions. Si, en dépit des images de végétation luxuriante, le sol amazonien se révèle en fait en général acide et pauvre en nutriments, difficile à cultiver, l’usage fertilisant de la terra preta, que les Kuikuros nomment eegepe, aurait-il pu permettre l’existence, dans un passé oublié, de communautés humaines beaucoup plus vastes qu’on ne le pense au cœur d’une forêt qui n’a rien de vierge ?
Il est en tout cas clair depuis longtemps pour de nombreux anthropologues – ce que confirme aujourd’hui l’étude en question – que la terra preta brésilienne ne doit rien au hasard : elle est le fruit de pratiques qui visent sciemment l’enrichissement des sols depuis des temps fort anciens. La plupart des parcelles de cet anthroposol sont datées de 800 à 500 av. J.-C. (Gerhard Bechtold, Summary of Thesis about Anthrohumox in Brazilian Lowland, 2007). L’archéologue spécialiste des Amérindiens Stéphen Rostain s’est tout particulièrement intéressé à ces savoirs pratiques ancestraux. Dans La forêt vierge d’Amazonie n’existe pas (2021), il souligne l’ingéniosité de ces savoir-faire : « Cette terre si particulière est la résultante d’occupations longues ou successives d’un même emplacement. Après des décennies d’étude, elle continue d’intriguer bien des scientifiques, alors qu’elle est fabriquée et maîtrisée depuis des siècles par les habitants de la sylve. »
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