QAnon banni de Facebook : la lutte sans fin contre la désinformation
Tous les comptes, groupes et pages liés à la mouvance conspirationniste QAnon seront supprimées : c’est l’annonce faite par le réseau social Facebook ce mardi 6 octobre. Lancée en 2017 par la publication d’un message anonyme d’un certain Q sur le forum 4chan, la nébuleuse d’extrême droite regroupe une multitude de promoteurs de la théorie du complot dont il est difficile de déterminer les objectifs. Une constante, cependant : Donald Trump mène, à leurs yeux, une guerre contre « l’État profond » – l’administration américaine, les médias et les milieux de la finance –, qui seraient à l’origine d’une « cabale mondiale de pédophiles adorateurs de Satan ». Le mouvement se présente lui-même comme la branche de communication de « la Tempête » et le « Grand Éveil » – un vocabulaire empruntant au millénarisme apocalyptique – censé mettre fin à la conspiration des élites et permettre une régénération des États-Unis.
Surveillés depuis 2019 par le FBI comme potentiellement terroriste, la mouvance QAnon est régulièrement accusée de diffuser des fausses informations et des incitations à la haine, ainsi que de promouvoir la violence sur Internet. Ils « montrent qu’ils ont des armes et suggèrent qu’ils vont les utiliser, ou ont des fans susceptibles de comportements violents. », justifie Facebook. Le réseau social avait déjà entrepris de contrôler ces multiples débordements : en août, le géant du Web avait supprimé 800 groupes, 100 pages et 1 500 publicités problématiques liées au mouvement QAnon. C’est désormais une « idéologie » entière que l’entreprise prend le parti de sanctionner – il lui faudra sans doute plusieurs semaines avant de parvenir à faire le tri.
Une goutte d’eau dans l’océan de la lutte contre la désinformation ? Sans doute, à une époque de généralisation des infox dont le discours de Donald Trump est l’exemple le plus éclatant. Selon le professeur d’étude des médias Nolan Higdon, Trump n’est pourtant que « l’arbre masquant la forêt : notre civilisation traverse une crise profonde de l’information. »
- Fake news et autres infox ne sont pas nées avec Trump, et elles ne disparaitront pas lorsqu’il ne sera plus au pouvoir : de Nixon à Clinton en passant par George W. Bush invoquant de fausses preuves de présence d’armes de destruction massive en Irak, l’immense majorité des représentants politiques s’appuient, à divers degrés, sur des formes de mensonges et de falsification.
- Pour affronter le problème des fake news, encore faut-il comprendre que nous n’avons pas à faire à un objet monolithique : « la rumeur, le mensonge, le canular, la satire, la parodie, la désinformation, l’imposture, la fabrication de contenus ou leur manipulation, mais aussi le deep fake, les fausses vidéos » sont autant de visages de la désinformation pour Nolan Higdon.
- La prolifération des fausses informations s’inscrit dans un contexte plus global de crise des médias et de la démocratie, laquelle repose sur la possibilité pour les citoyens de s’informer : « La confiance dans les médias traditionnels s’est effondrée aux États-Unis. Elle a diminué de 69 % depuis 2008, si l’on en croit une étude menée par l’institut Gallup. Cette perte de crédit du récit journalistique ouvre une opportunité pour d’autres versions des faits, notamment des théories conspirationnistes. »
- Les réseaux sociaux se mobilisent de plus en plus dans la lutte contre les infox. Il s’agit cependant, pour Higdon, d’un comportement opportuniste et hypocrite : « Ces grandes entreprises comme Twitter doivent leur succès à la diffusion de fake news, et voilà qu’elles se piquent d’arbitrer. »
- L’éducation est la seule solution durable pour lutter contre la crise de l’information. « Il convient, affirme Nolan Higdon, que chacun apprenne à recevoir et à interpréter un message », afin de ne pas être soumis passivement aux contenus auxquels il est exposé. « Utilisez les informations, ne vous faites pas utiliser par elles », développez votre esprit critique, conclut le spécialiste des médias.
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