Purifier l'âme
« Ne permets pas que le doux sommeil se glisse sous tes yeux, avant d’avoir examiné chacune des actions de ta journée. En quoi ai-je fauté ? Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je omis de ce qu’il me fallait faire ?Commence par la première à toutes les parcourir. Et ensuite, si tu trouves que tu as commis des fautes, gourmande-toi ; mais, si tu as bien agi, réjouis-toi. Travaille à mettre ces préceptes en pratique, médite-les ; il faut que tu les aimes, et ils te mettront sur les traces de la vertu divine. »
Ces quelques vers sont l’alpha et l’oméga des pratiques antiques d’endormissement. À ce moment singulier de la journée, Pythagore accordait une place toute particulière, comme le raconte Porphyre dans Vie de Pythagore : « Il y avait surtout deux moments qu’il exhortait à bien considérer : celui qui précède le sommeil et celui du lever après le sommeil. » Jamblique raconte la même chose sur le philosophe : « Le soir, lorsque ses compagnons se préparaient au sommeil, il les débarrassait des soucis du jour et du tumulte et il purifiait leur esprit agité, leur donnant un sommeil paisible, plein de beaux rêves, quelquefois même de songes prophétiques. » Pourquoi donc accorder tant d’importance à l’endormissement, plus exactement à « l’examen de conscience » qui précède et prépare l’endormissement ?
Dans L’Herméneutique du sujet (1982), Michel Foucault résume ainsi l’enjeu : « L’examen de conscience a pour fonction principale de permettre une purification de la pensée avant le sommeil. L’examen de conscience n’est pas fait pour juger ce qu’on a fait. Il n’est pas, bien sûr, destiné à réactualiser quelque chose comme un remords. En pensant à ce qu’on a fait, et par conséquent en expulsant par cette pensée le mal qui peut résider en nous-même, nous allons nous purifier et rendre possible un sommeil tranquille. […] L’examen de conscience doit purifier l’âme pour la pureté d’un sommeil. » Il permet au sujet, qui passe sa journée affairé dans le monde, de se retrouver lui-même, de se recueillir et de se purger de l’excitation que suscitent en lui les choses et les êtres. Il permet une mise à distance salutaire, apaisante.
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Michel Foucault, Dits et Écrits, tome 4, « Le sujet et le pouvoir » (1982)