Pourquoi crie-t-on ?
Le nouveau né vient au monde dans un cri. Le cri est une voix d’avant le langage, une communication sans idée. Chez l’adulte, il est souvent perçu comme la marque d’une perte de contrôle de soi. Et pourtant. À bien entendre le cri, on découvre qu’il est aussi la forme de révolte la plus profonde et la plus humaine qui soit. L’éclairage des philosophes.
Par le cri, l’être humain atteste de son existence. C’est par le cri projeté au-devant de lui qu’il se fait une place dans un monde où il n’en avait pas. « Quand je crie : Seigneur ! Il existe l’espace de mon cri. Cela suffit : que puis-je souhaiter de plus ? », écrira Cioran. Le cri est puissant parce qu’il est brut, antérieur à toute forme de langage. Il ouvre ainsi sur une parole primitive, celle de l’émotion, qui sera ensuite policée et affaiblie par le développement du langage articulé, comme le dira Rousseau dans son Essai sur l’origine des langues (1781) : « Dans toutes les langues, les exclamations les plus vives sont inarticulées ; les cris, les gémissements sont de simples voix ». L’enfant donne de la voix, avant même de formuler des idées.
Le cri de la douleur
Ce cri primitif est le cri de l’enfant, mais encore de l’animalité indocile en l’homme. En criant, l’individu se dépossède d’une part de lui-même, de son identité sociale, et est reconduit à la sauvagerie. Dans « le cri à l’état pur », écrit Michel Leiris, la voix, « retournée aux origines […] rendue à sa base biologique […] ne peut être certifiée mâle ou femelle et se reconnaît à peine comme émanant d’un être humain. » Le cri est cri aveugle de la bête, emporté par la tyrannie de l’instinct, dans une réaction viscérale à une menace vitale. Dans Quatrevingt-treize (1874), Victor Hugo évoque longuement le « cri de louve » que pousse Michelle Fléchard quand elle voit ses deux enfants pris au milieu d’un incendie. Ce « cri de l’inexprimable angoisse » transforme totalement la mère. Face à la peur de perdre ses trois enfants, celle-ci prend soudainement « les proportions épiques du désespoir ». Ce cri de la mère éplorée est un cri sans réponse, ponctué par son propre écho. C’est le cri déchirant par excellence : celui que l’on pousse tout seul, dans le silence de la nuit. Si cet hurlement solitaire est particulièrement terrifiant, c’est parce qu’il donne à entendre, de manière simple et crue, tout le malheur du crieur.
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