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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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©Robert Bye/Unsplash

Glisse

Pourquoi aimons-nous skier ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 21 février 2022 3 min

Après une saison 2021 quasi nulle pour cause de Covid-19, les stations de ski françaises retrouvent des couleurs. Et atteignent même des niveaux records de fréquentation. L’appel de la glisse fait toujours autant recette. Mais pourquoi, au juste, aimons-nous le ski ? Réponse avec Jean-Paul Sartre.

 

  • Pourquoi aimons-nous skier ? Sartre se pose la question dans L’Être et le Néant (1943) : « Soit un champ de neige, un alpage. […] Il représente l’extériorité pure, la spatialité radicale ; son indifférenciation, sa monotonie et sa blancheur manifestent l’absolue nudité de la substance ; il est l’en-soi qui n’est qu’en-soi, […] son immobilité solide exprime la permanence et la résistance objective de l’en-soi, son opacité et son impénétrabilité. » Cette extériorité pure « me fascine comme la pure apparition du non-moi ». Mais ma conscience, devant ce spectacle, ne peut en rester là : « Ce que je veux alors, c’est […] que cet en-soi soit par rapport à moi dans un rapport d’émanation tout en demeurant en soi. » Je veux prendre possession de cette neige immaculée, lui imposer une marque, lui donner un sens, la faire exister pour moi.
  • Problème : la neige « se liquéfie entre mes doigts, elle coule, il n’en reste plus rien ». Si je lui marche dessus, je m’enfonce et la détruis. « L’en-soi se transforme en néant. Mon rêve de m’approprier la neige s’évanouit en même temps. » Or le ski permet de contourner cet écueil. « À présent, j’en fais quelque chose. » Je parviens, en dévalant la pente, à ressaisir cette totalité neigeuse qui me fondait entre les doigts. « Ce parcours n’est pas seulement une activité de déplacement, c’est aussi et surtout une activité synthétique d’organisation et de liaison. » Le ski dispose la neige pour son appropriation. « C’est que, précise Sartre, j’ai avec la neige un rapport d’appropriation spécial : le glissement. »
  • Ainsi la neige qui se refusait à moi « se solidifie tout à coup sous l’action de ma vitesse ; elle me porte. Ce n’est pas que j’aie perdu de vue sa légèreté, sa non-substantialité, sa perpétuelle évanescence. Bien au contraire : c’est précisément cette légèreté, cette évanescence, cette secrète liquidité qui me portent, c’est-à-dire qui se condensent et se fondent pour me porter. » En apparence, ce glissement s’en tient à la surface, il se contente d’effleurer. Mais « cela n’est pas exact » pour Sartre. Car dans le glissement, je réalise « une synthèse en profondeur ; je sens la couche de neige s’organiser jusqu’au plus profond d’elle-même pour me supporter ; le glissement est action à distance, il assure ma maîtrise sur la matière sans que j’aie besoin de m’enfoncer dans cette matière et de m’engluer en elle pour la dompter. Glisser, c’est le contraire de s’enraciner. La racine est déjà à moitié assimilée à la terre qui la nourrit, elle est une concrétion vivante de la terre. » Elle provoque l’horreur d’une contamination, d’une rigidification. Entrer dans les profondeurs de la matière, s’avancer en elle, en faire l’épreuve, c’est toujours prendre le risque d’y rester prisonnier. « Le glissement, au contraire, réalise une unité matérielle en profondeur sans pénétrer plus loin que la surface. »
  • Si la neige semblait se refuser d’abord à l’appropriation, elle dévoile finalement, dans le glissement, une forme d’appropriation supérieure. Celle-ci s’exprime, en général, par la trace que le sujet laisse dans les choses, par les manipulations et les transformations qu’il y réalise. Les traces, durables, existent pour moi mais aussi pour les autres. Au contraire, « la solidité de la neige n’est valable que pour moi, n’est sensible qu’à moi ; c’est un secret qu’elle livre à moi seul et qui déjà n’est plus vrai, derrière moi. [Le] glissement réalise donc une relation strictement individuelle avec la matière, une relation historique ; elle se rassemble et se solidifie pour me porter et retombe, pâmée, en son éparpillement, derrière moi. Ainsi ai-je réalisé pour moi l’unique par mon passage. […] La vitesse […] fait naître, tant qu’elle dure, en la matière, une qualité profonde qui ne demeure qu’autant que la vitesse existe, une sorte de rassemblement qui vainc son extériorité d’indifférence et qui se défait comme une gerbe derrière le mobile glissant. […] L’idéal du glissement sera donc un glissement qui ne laisse pas de trace ; c’est le glissement sur l’eau », que la neige est « secrètement ». Le skieur aimerait ne pas laisser de trace, pour vivre un authentique ego trip. Pas toujours évident, dans la poudreuse !
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