Plaidoyer pour la liberté d’offenser
La liberté d’expression a certes des limites. Mais la susceptibilité des croyants, ou de tout groupe social, ne permet pas de les fixer. Sinon, les conséquences en seraient absurdes, comme le démontre le philosophe existentialiste italien Paolo Flores d’Arcais.
La liberté doit être égale, sans quoi elle est un privilège. La liberté de chacun trouve donc une frontière indépassable dans la liberté égale de l’autre. Une liberté absolue est contradictoire, elle existe seulement pour celui envers qui les autres sont des sujets.
Mais où tracer les limites de cette liberté égale ? Parce que, à l’intérieur de celles-ci, la liberté pour chacun ne saurait plus admettre la moindre restriction, sans être remise en cause entièrement.
Le pape François, désormais – hélas ! – le seul leader global de l’Occident (sauf en France, heureusement), a déclaré : « On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas la tourner en dérision. » De même, pour Slimane Chikh, ancien recteur de l’université d’Alger, aujourd’hui représentant de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à Genève, « chaque liberté s’arrête là où commence la liberté de religion. La récurrence des attaques de Charlie Hebdo contre l’islam fait qu’il s’agit de provocations ». Tariq Ramadan, qui passe pour un musulman ouvert et réformiste, a parlé d’« humour des lâches » alors que les cadavres étaient encore chauds – il l’avait déjà fait en 2012 sous le nez de Charb. Enfin, Tony Barber, rédacteur en chef du Financial Times, a déclaré le jour même de l’attentat : « Trop souvent l’irresponsabilité éditoriale a prévalu à Charlie Hebdo. […] Un peu de bon sens pourrait être utile à des publications comme Charlie Hebdo […] qui prétendent mener un combat pour la liberté quand ils provoquent les musulmans, alors qu’ils sont juste idiots. »
On ne peut consentir à personne la liberté de se moquer de ce qui pour autrui est sacré. Liberté de critique oui, liberté d’offense non. Cette formule est en passe de devenir hégémonique dans nos démocraties contemporaines, malgré (et contre) l’avis des millions de Français qui ont défilé en brandissant « Je suis Charlie ». Une apparence de syllogisme qui cache un raisonnement fallacieux, qui piétine la logique et met la démocratie en péril.
Car voilà : qui décidera de ce qui relève de la critique, d’une part, et de l’offense, de l’autre ? Wojtyła et Ratzinger sont arrivés maintes fois jusqu’à rendre les Lumières responsables des totalitarismes du XXe siècle, parce qu’elles avaient voulu rendre l’homme autonome de Dieu. Qu’y a-t-il de plus fanatique qu’imputer la responsabilité des Lager et des goulags à Voltaire et à Hume ? N’est-ce pas insultant, pour nous tous ? Quel plus grand outrage pourrait-on faire à la démocratie ?
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